Des policiers du Colorado sont accusés d’avoir violenté Karen Garner, 73 ans, et d’avoir omis de lui fournir des soins médicaux. Un incident qui survient alors que la réforme de la police progresse en ordre dispersé un an après la mort de George Floyd.

Réunis autour d’un écran d’ordinateur, trois policiers rient en visionnant la vidéo de la caméra corporelle d’une arrestation violente d’une femme de 73 ans qui vient d’être amenée au poste de police.

« Vous entendez le “pop” ? dit un policier, en référence à la vidéo.

— Qu’est-ce que tu as ‟popé” ? lui demande un collègue.

— Je crois que c’était son épaule », répond le premier policier.

Il ajoute ensuite, à propos de la vidéo : « J’adore ça. C’est bien. »

Tirée d’une caméra de surveillance du poste de police de Loveland, au Colorado, la vidéo filmée le 26 juin 2020 a été diffusée cette semaine par l’avocate de Karen Garner, une femme atteinte de démence qui avait quitté plus tôt ce jour-là une succursale de la chaîne Walmart en omettant de payer des articles d’une valeur de 13,88 $.

PHOTO ALLISA SWARTZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Karen Garner

Mme Garner cueillait des fleurs dans un champ voisin quand les policiers l’ont accostée et arrêtée. Selon la poursuite, le policier Austin Hopp aurait poussé Mme Garner au sol, lui aurait passé les menottes et l’aurait immobilisée contre son véhicule. Cette manœuvre aurait fracturé un os du bras de Mme Garner et lui aurait disloqué l’épaule.

Sarah Schielke, avocate de Mme Garner, explique avoir été « horrifiée » lorsqu’elle a pris connaissance de la vidéo où les policiers se moquent de la septuagénaire blessée.

En voyant cette vidéo, on ne peut que se demander : comme société, comment en est-on arrivé là ?

Sarah Schielke, avocate de Karen Garner

Mme Schielke note aussi que sa cliente est restée détenue pendant au moins quatre heures avant d’être envoyée à l’hôpital.

Le policier Austin Hopp a été placé en congé administratif. « Et il continue d’être payé, même si le service de police pourrait ne pas le payer », dit Mme Schielke. Le procureur du comté a demandé l’ouverture d’une enquête criminelle et a requis l’aide du FBI.

La réforme se fait attendre

La mort de George Floyd, tué par le policier Derek Chauvin à Minneapolis l’an dernier, avait provoqué un vaste appel à la réforme des corps policiers, notamment sur la façon dont les policiers interagissent avec des membres de minorités visibles et lors des crises de santé mentale.

Un an plus tard, une douzaine d’États, dont ceux de New York et de Washington, ont adopté des lois obligeant notamment les policiers à porter des caméras corporelles et augmentant la supervision indépendante des corps policiers.

Howard Henderson, directeur fondateur du Center for Justice Research à la Texas Southern University, note que ce sont surtout les grandes métropoles qui ont entrepris de changer les pratiques de leurs policiers.

« Dans les communautés rurales et dans les plus petites villes, certaines ne sont pas en train de faire cette réflexion, et les gens qui y vivent ne verront pas les changements qu’ils aimeraient voir », dit-il en entrevue téléphonique.

M. Henderson aimerait voir le Congrès adopter des lois qui pourraient « guider » les élus locaux à mener leurs réformes. « Le projet de loi est bloqué au Sénat, ce qui est malheureux. »

C’est d’autant plus important que la question de la réforme de la police est souvent vue à travers un prisme idéologique, dit-il. « Bien des gens n’ont pas envie de regarder les données ou de chercher à résoudre le problème parce que pour eux, il n’y a pas de problème. Si on attend un consensus avant d’agir, on n’agira jamais. C’est pour cela que le gouvernement fédéral doit montrer la voie et faire le premier pas. Les questions de justice et d’équité ne devraient pas être dépendantes de l’opinion publique. »

Sous pression, des policiers américains tentés de quitter leur profession

La hausse des homicides dans de grandes villes américaines, couplée à la médiatisation de bavures policières visant les minorités visibles, a un effet négatif sur l’attractivité d’un poste au sein de la police aux États-Unis, rapporte l’Agence France-Presse. Par exemple, les effectifs des forces de police ont fondu dans les villes où ont eu lieu les drames les plus médiatisés. À Minneapolis, où George Floyd a été tué il y a un peu plus d’un an, plus de 100 agents sur un millier sont partis en 2020, deux fois plus que l’année précédente, et environ 150 sont actuellement en congé, notamment pour « trouble de stress post-traumatique ».