(Wilmington) « Le temps est venu pour l’Amérique de panser ses plaies », a clamé Joe Biden dans le discours de victoire au ton bienveillant qu’il a prononcé devant des milliers de partisans en liesse rassemblés dans son fief de Wilmington, samedi, au Delaware. Il leur a aussi promis de travailler à unifier le pays et à redorer son image sur la scène internationale.

Celui qui deviendra le 46e président des États-Unis le 20 janvier prochain a été accueilli par un tonnerre de klaxons et par les cris de joie de la foule masquée venue l’entendre. La veille, il s’était présenté au même endroit, le Chase Center, mais l’heure de la victoire n’avait pas encore sonné.

Cette fois, c’était la bonne. Après quatre jours de suspense, Joe Biden est finalement devenu président désigné, n’en déplaise à Donald Trump, à qui la population des États-Unis a refusé de confier les clés de la Maison-Blanche pour un deuxième mandat. L’État de la Pennsylvanie, avec ses 20 grands électeurs, a fait pencher la balance de façon décisive.

« Mes chers compatriotes, la population a parlé. On nous a donné une victoire claire. On nous a donné une victoire convaincante », a lancé le président désigné, qui a signifié son intention de gouverner en « ne voyant pas les États comme bleus ou rouges ». Il a tendu la main aux républicains déçus par la défaite.

À ceux qui ont voté pour le président Trump, je comprends votre déception ce soir. J’ai moi-même perdu quelques élections. Mais laissons-nous une chance. Le temps est venu de mettre de côté la rhétorique hostile.

Joe Biden

Et le temps de « la sinistre ère de diabolisation » est révolu, a-t-il lancé.

Son remède ? « Je me suis présenté à la présidence pour restaurer l’âme de l’Amérique. Pour rebâtir l’épine dorsale de la nation – la classe moyenne. Pour que l’Amérique soit à nouveau respectée à travers le monde, et pour nous unir ici à la maison », a expliqué le démocrate, dont la victoire a été célébrée partout aux États-Unis et à l’international.

À Wilmington, samedi soir, on dansait, on chantait, on pleurait.

« Enfin, la décence est de retour. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu un discours inspirant, c’était tout le temps toxique », a lâché Louie Male, les yeux embués. Il avait fait route depuis le New Jersey pour participer à ce moment historique, qui s’est terminé avec un impressionnant feu d’artifice.

« Merci, Philly ! Merci, la Géorgie ! », lisait-on sur l’affiche de Maryliz Cawley. « On a dit non à la division. Et n’oublions pas non plus qu’on a élu la première femme de couleur à la vice-présidence, Kamala Harris. C’est une journée formidable », s’est enthousiasmée la femme de 49 ans, qui était venue de Pennsylvanie avec ses quatre enfants.

« Je ne serai pas la dernière »

La vice-présidente désignée est montée sur scène avant Joe Biden afin de s’adresser à la nation. Évoquant les luttes historiques menées par des « générations de femmes » avant elle, Kamala Harris a affirmé que sa sélection témoignait de l’« audace » de Joe Biden. Et elle a prévenu que d’autres viendraient après elle.

« Je suis peut-être la première femme à occuper cette fonction, mais je ne serai pas la dernière, parce que toutes les petites filles qui nous regardent ce soir voient que nous sommes un pays d’opportunités », a lancé la sénatrice de Californie, qui a fait une partie de sa scolarité à Montréal.

Elle a aussi fait l’éloge de Joe Biden. Celui-ci est la personne idéale pour « guérir » le pays, ayant lui-même affronté de terribles épreuves sur le plan personnel – la perte de sa femme et de sa fille dans un accident de la route en 1972, et de l’un de ses fils en 2015. « Son expérience donne un sens à son action, et cela nous aidera comme nation », a suggéré Kamala Harris.

Le sénateur du Delaware avait tenté deux fois auparavant de se faire élire à présidence. Son succès à ce troisième essai, à l’âge de 77 ans – il en aura 78 lors de la cérémonie d’investiture en janvier –, fait la fierté de Christina Richter, résidante de Wilmington. « Nous sommes heureux de le partager un peu avec le reste du monde », a-t-elle dit.

Donald Trump ne cède pas un pouce

Pendant que l’on célébrait au Delaware, les seuls sons de cloche en provenance de la Maison-Blanche étaient des billets sur Twitter. Le président Trump, qui se trouvait sur un parcours de golf en Virginie lors de l’annonce du résultat, n’a toujours pas concédé la victoire à son rival.

Au contraire. Il a réitéré que l’élection du 3 novembre était truquée, et que son équipe d’avocats avait toujours l’intention de la contester jusqu’en Cour suprême. Par ailleurs, il a reproché à Joe Biden de se poser en vainqueur de la présidentielle même si l’élection est « loin d’être terminée ».

« Nous savons tous pourquoi il se précipite pour se présenter faussement en vainqueur et pourquoi ses alliés dans les médias tentent avec autant d’efforts de l’aider : ils ne veulent pas que la vérité éclate », a écrit le président sortant, promettant de poursuivre sa croisade jusqu’à ce que « le peuple américain ait le comptage honnête qu’il mérite ».

« Une répudiation de Trump », dit Clinton

Le futur commandant en chef s’est attiré les félicitations de plusieurs de ses alliés.

Le 44e président des États-Unis, Barack Obama, s’est dit « fier » de « féliciter notre prochain président » et « notre prochaine première dame, Jill Biden ».

Celle qui s’était inclinée face à Donald Trump en 2016, Hillary Clinton, a dit y voir une « nouvelle page pour l’Amérique », mais en même temps, elle a décoché une flèche à l’endroit de celui qui l’a battu, disant voir en ce résultat « une répudiation de Trump ».

Quant à l’ex-président démocrate Jimmy Carter, il a salué une « campagne bien menée » par les démocrates, en disant attendre « avec impatience de voir les changements positifs qu’ils apporteront à notre nation ». « Après 230 ans, vous avez brisé deux plafonds. Un succès vraiment historique », a quant à lui commenté le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, en s’adressant à Kamala Harris.

Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a aussi félicité le nouveau président, en milieu d’après-midi. « Je connais M. Biden comme un fervent partisan de l’OTAN et des relations transatlantiques », a-t-il dit, en ajoutant que « le leadership américain est plus important que jamais dans un monde imprévisible ».

La présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s’est aussi réjouie de cette victoire. « C’est un moment de guérison et le temps de grandir ensemble », a-t-elle écrit sur Twitter, plaidant que les 75 millions de personnes qui ont voté pour Joe Biden donnent aux démocrates « un mandat pour agir ».

Le président Trump demeure en fonction jusqu’en janvier.

Le camp Biden est toutefois déjà engagé dans le processus de transition. Le premier sujet à l’ordre du jour sera la lutte contre la pandémie de la COVID-19, qui a fait des ravages aux États-Unis. Un groupe de travail basé sur la « science » et la « compassion » sera mis sur pied pour freiner la propagation, a souligné Joe Biden.

– Avec Mayssa Ferah et Henri Ouellette-Vézina, La Presse