Donald Trump s'est rendu mercredi en Irak pour rencontrer les soldats américains, et a profité de ce premier déplacement en zone de conflit depuis son élection pour justifier sa décision de retirer les troupes américaines de Syrie.

Mais cette visite soulève des critiques dans un pays divisé sur le rôle des États-Unis depuis l'invasion américaine en 2003.

Pourquoi aucune rencontre avec le premier ministre ?

La visite de M. Trump a suscité la surprise et des spéculations selon lesquelles les autorités irakiennes n'étaient pas au courant, le président américain n'ayant rencontré aucun ministre.

Le gouvernement irakien a confirmé dans un communiqué l'absence de rencontre entre le premier ministre Adel Abdel Mahdi et M. Trump en raison d'une « divergence de points de vue » sur l'organisation de la rencontre, remplacée par une simple conversation téléphonique.

« Le gouvernement a tenté de sauver la face » avec cette déclaration, mais le fait que « M. Trump ait refusé de rencontrer le premier ministre à Bagdad insistant pour une rencontre dans la base militaire d'Al Assad a été perçue comme une preuve supplémentaire du mépris de Trump », a indiqué à l'AFP Fanar Haddad, un spécialiste de l'Irak de l'université de Singapour.

Pourquoi une visite maintenant ?

Cette visite intervient quelques jours après l'annonce du retrait des troupes américaines de Syrie qui a entraîné les démissions du ministre de la Défense Jim Mattis et de l'émissaire américain pour la coalition internationale antidjihadiste, Brett McGurk.

Selon M. Haddad, cette visite « rassurera ceux (aux États-Unis) qui craignent que la politique américaine en Irak soit similaire à celle en Syrie ».

M. Trump a assuré qu'il ne prévoyait « pas du tout » de retirer les troupes américaines d'Irak, voyant « au contraire » la possibilité d'utiliser ce pays « comme une base » s'il devait à nouveau intervenir en Syrie.

« Les États-Unis ne peuvent pas continuer à être le gendarme du monde », a-t-il ajouté, annonçant également une réduction de moitié des 14 000 soldats présents en Afghanistan.

Selon l'analyste politique Hicham al-Hachemi, « l'Irak est important en raison de sa position stratégique. La présence de forces américaines dans ce pays rassure la Jordanie et l'Arabie saoudite et assure un équilibre entre les Kurdes et la Turquie, et entre la Turquie, l'Iran et l'Irak », affirme le spécialiste.

La présence américaine en Irak répond également, selon lui, « au désir d'Israël de bloquer la route Téhéran-Beyrouth » et de contrebalancer la présence iranienne dans la région.

Quel impact sur la scène politique irakienne ?

Les relations américano-irakiennes n'ont pas été simples après l'invasion des États-Unis de l'Irak et la chute de Saddam Hussein en 2003. La présence américaine en Irak a été vite décriée.

La visite mercredi de M. Trump a ravivé la colère des groupes irakiens soutenus par l'Iran, qui composent un bloc clé au Parlement.  

La milice Harakat al-Nujaba a estimé que la présence des forces américaines étaient « une violation de la souveraineté du pays » et qu'il était désormais « du devoir du gouvernement de (les) expulser ».  

Cela « ne restera pas impuni. Nous ne permettrons pas que l'Irak soit utilisé comme une base pour menacer d'autres pays », a ajouté cette milice, en référence à l'Iran, la bête noire de Donald Trump.

Le secrétaire général de la milice chiite Assaïb Ahl al-Haq, Qaïs al-Khazali, a lui affirmé sur Twitter que cette visite « révélait la réalité du projet américain en Irak ».

Selon lui, l'Irak répondra « par une décision du Parlement pour faire sortir les forces militaires » américaines.  

« Si vous ne partez pas, nous avons les moyens de vous faire partir par un autre moyen », a-t-il menacé à l'adresse de M. Trump.

M. Hachemi prédit que « l'axe pro-Iran (au sein du pouvoir irakien) va chercher à obtenir un vote au Parlement en faveur d'un agenda basé sur le retrait américain d'Irak ».

Ces milices pro-Téhéran jouent aujourd'hui un rôle sécuritaire important, surtout près de la frontière syrienne.

Selon M. Hachemi, « le manque de respect de Trump à l'égard de ses alliés provoque des tensions entre M. Mahdi et les forces politiques irakiennes ».

Cela pourrait « ouvrir la voie à une nouvelle résistance à la présence américaine », estime-t-il.