La prestigieuse université de Dartmouth, dans le New Hampshire, était dans la tourmente vendredi, accusée en justice d'avoir laissé trois de ses professeurs harceler et abuser sexuellement des étudiantes pendant des années.

L'assignation enregistrée jeudi au tribunal fédéral du New Hampshire contre l'université, qui émane de sept femmes réclamant 70 millions de dollars de dommages et intérêts à l'université, devrait alimenter la polémique sur le harcèlement sur les campus américains.  

D'autant que la ministre américaine de l'Éducation, Betsy DeVos, a proposé vendredi une réforme controversée de la procédure d'enquête sur les abus sexuels dans les universités, qui restreindrait la notion d'agression sexuelle et autoriserait un contre-interrogatoire des victimes présumées, au grand dam des associations de victimes.

Depuis le début du mouvement #metoo, une série d'écoles et d'universités ont été accusées d'avoir longtemps fermé les yeux sur des faits de harcèlement et d'agressions sexuelles, perpétrés par des professeurs ou des étudiants.

Dans la plainte des sept femmes, les administrateurs de l'université privée de Dartmouth - qui compte quelque 6400 étudiants dans la ville de Hanover, au nord de Boston - sont accusés d'avoir laissé trois professeurs réputés du département de psychologie et de neurosciences « traiter les femmes comme des objets sexuels ».

Les trois enseignants, Todd Heatherton, William Kelley et Paul Whalen, auraient soumis certaines de leurs étudiantes à des attouchements, des « sextos » et des agressions allant parfois jusqu'au viol, selon la plainte de 72 pages, qui ne vise pas les professeurs directement.  

Ils conditionnaient leur soutien pédagogique à la participation des étudiantes à des soirées « saturées d'alcool », des séances de travail organisées dans des bars ou des « soirées jacuzzi » chez eux, affirment les plaignantes, qui ont toutes obtenu leur doctorat en neurosciences.

L'une d'elles, Kristina Rapuano, arrivée à Dartmouth en 2012 pour faire son doctorat, accuse M. Kelley de l'avoir violée lors d'une conférence consacrée aux neurosciences en 2015 à San Francisco.  

Plaintes dès 2002

Il l'aurait fait boire, et elle se serait réveillée sans se souvenir de rien. C'est lui qui lui aurait appris qu'ils avaient eu un rapport sexuel, avant de multiplier les pressions sur elle pour en avoir d'autres.

« Après ça, j'ai essayé de gérer au mieux la situation dans laquelle je me trouvais », mais c'était « terriblement difficile », a indiqué Mme Rapuano à la télévision ABC.

« Ma principale motivation en révélant mes expériences est de mettre fin à un mode générationnel de harcèlement sexuel », a expliqué sur Twitter cette femme aujourd'hui post-doctorante à l'université de Yale.

Selon l'assignation, Dartmouth avait reçu de premières plaintes sur le comportement des enseignants dès 2002, mais les a « ignorées ».

C'est seulement en octobre 2017, après que 27 femmes eurent décidé de se plaindre formellement, que l'université a reconnu qu'une enquête était en cours, poussant le ministre de la Justice du New Hampshire à ouvrir une enquête criminelle.  

Cette dernière n'a débouché sur aucune inculpation à ce stade.

Les trois enseignants ont néanmoins quitté Dartmouth l'été dernier, et tous trois sont désormais bannis du campus.

Dans un communiqué, la direction de l'université s'est targuée d'avoir pris des « mesures inédites » en renvoyant ces professeurs titulaires, et a rejeté les accusations des plaignantes sur sa présumée inaction.

« Nous sommes, respectueusement, mais fermement, en désaccord avec la façon dont nos actions sont présentées dans la plainte, et répondrons en déposant nos propres documents auprès du tribunal », a ajouté le communiqué.