Onze ans après la légalisation du mariage gai dans un premier État américain, la Cour suprême des États-Unis a complété, hier, une véritable révolution sociale en reconnaissant aux gais et lesbiennes le droit fondamental de se marier. Cette décision historique a provoqué des explosions de joie, notamment à New York, berceau d'un mouvement triomphant.

Dès que Barack Obama a fini de commenter la décision historique de la Cour suprême sur le mariage gai, hier matin, Bill Lynch a éteint son téléviseur et s'est précipité dans la rue. Quelques instants plus tard, il s'est retrouvé devant le Stonewall Inn, bar de Greenwich Village considéré comme le berceau du mouvement des droits des homosexuels aux États-Unis.

«Je suis ici pour m'imprégner du moment», a confié ce consultant de 66 ans dont l'appartement se trouve à trois coins de rue de l'endroit «où tout a commencé», pour reprendre ses propres mots.

«Je suis fier de chaque personne qui a consacré une once d'effort pour nous mener là où nous sommes aujourd'hui. Nous avons réalisé des progrès remarquablement rapides lorsqu'on pense à d'autres mouvements pour la justice. Nous avons connu des reculs, certes, mais, dans une large mesure, nous sommes toujours allés de l'avant.»

Plusieurs autres gais et lesbiennes ont eu le même réflexe que Bill Lynch hier. Après avoir pris connaissance de la légalisation du mariage gai partout aux États-Unis, ils ont célébré devant le Stonewall Inn, dont la façade était décorée de plusieurs drapeaux arc-en-ciel et d'une affiche sur laquelle on pouvait lire: «Là où la fierté gaie a commencé».

Rappel historique: dans la nuit du 27 au 28 juin 1969, ce bar de Christopher Street a été le théâtre d'une descente policière qui a suscité cinq jours d'émeutes opposant des centaines d'homosexuels aux forces de l'ordre. Ce sont ces affrontements qui seront de nouveau commémorés demain à New York à l'occasion du défilé de la fierté gaie.

Des affrontements qui ont donné naissance à un mouvement dont l'une des plus grandes victoires, sinon la plus grande, a été acquise hier à la Cour suprême, par cinq voix contre quatre.

«Le droit au mariage est fondamental», a écrit le juge Anthony Kennedy, s'exprimant au nom de la majorité. «Aucune union n'est plus profonde que le mariage, car il incarne les idéaux les plus élevés d'amour, de fidélité, de dévotion, de sacrifice et de famille. En formant une union maritale, deux personnes deviennent quelque chose de plus grand que ce qu'elles étaient auparavant», a ajouté ce juge conservateur dont la voix est souvent décisive à la Cour suprême.

Les juges de la plus haute instance devaient se prononcer sur une plainte déposée par des gais et lesbiennes contre 4 des 14 États qui interdisaient encore les mariages homosexuels, à savoir le Michigan, l'Ohio, le Kentucky et le Tennessee. La majorité s'est appuyée sur le 14e amendement, qui garantit l'égalité de tous devant la loi, pour conclure que les États se devaient de célébrer et reconnaître les mariages gais.

Réaction d'Obama

Barack Obama a applaudi à la décision de la Cour suprême.

«Cette décision est une victoire pour l'Amérique. Cette décision confirme ce que des millions d'Américains croient déjà au fond de leur coeur. Quand tous les Américains sont vraiment traités en tant qu'égaux, nous sommes plus libres», a-t-il déclaré.

Le président de la Cour suprême, John Roberts, a qualifié la décision majoritaire de «profondément décourageante» pour ceux qui «croient en un gouvernement de lois et non pas d'hommes». Son collègue Antonin Scalia a pour sa part dénoncé un «putsch judiciaire».

Plusieurs politiciens et militants conservateurs ont fait écho à ces critiques. Cependant, chez les candidats républicains à la présidence, Jeb Bush a adopté un ton moins agressif que d'autres. «Je crois que la Cour suprême aurait dû permettre aux États de prendre cette décision», a-t-il dit, tout en réitérant son appui au mariage traditionnel.

N'empêche: la décision de la Cour suprême reflète l'évolution rapide de l'opinion américaine sur cette question. De 1996 à 2015, l'appui des Américains au mariage homosexuel est passé de 27% à 60%, selon Gallup.

«L'amour a gagné», scandait la foule réunie à l'extérieur de la Cour suprême hier.

Le même slogan a été repris devant le Stonewall Inn. Mais cette victoire n'a pas empêché Mary O'Shaughnessy, une lesbienne de 52 ans, d'avoir un pincement au coeur.

«Je pense à ceux qui n'ont pas vécu assez longtemps pour voir ce jour, a-t-elle dit. Je pense à ceux qui ont dû cacher qui ils étaient. S'ils peuvent nous voir de là-haut, j'espère qu'ils célèbrent aussi.»