Des «irrégularités» liées au transport du pétrole brut par train ont inquiété les autorités américaines des mois avant la tragédie de Lac-Mégantic, si bien que des équipes fédérales ont commencé à y planifier une large enquête au mois de mars.

Citernes dangereuses ou abîmées, convois transportant du pétrole beaucoup plus dangereux que l'indiquent leurs classifications : voilà quelques-uns des constats alarmants qui ont été faits au ministère américain des Transports, où l'on a finalement décidé de créer l'équipe d'enquête Bakken Blitz. Cette unité - qui porte le nom d'une formation rocheuse du Dakota du Nord et du Montana d'où sont issues d'importantes quantités de pétrole - doit «s'assurer que les transporteurs et les chemins de fer respectent la réglementation fédérale» et que «le pétrole brut est classifié adéquatement», a écrit Damon Hill, du ministère des Transports américain, dans un courriel envoyé à La Presse vendredi. 

Dès le mois de mars, donc, il était prévu que les membres de l'opération, nommée «Classification», effectuent des visites-surprises, prélèvent des échantillons et procèdent à des vérifications de conformité avec la réglementation fédérale. «Ces activités ont maintenant lieu, et elles se produisent dans des terminaux stratégiques et des lieux de transbordements de pétrole brut», a confirmé Damon Hill, sans s'avancer sur la possibilité que le site de la tragédie de Lac-Mégantic soit étudié. 

Le pétrole qui a explosé dans cette ville estrienne le 6 juillet dernier provenait des champs pétrolifères de Bakken au Dakota du Nord. Le Bureau de la sécurité des Transports du Canada analyse actuellement le contenu des wagons-citernes de Lac-Mégantic afin de déterminer s'il correspond à la classification attribuée au convoi. 

Série d'irrégularités 

Ce sont les observations «terrain» et les audits des administrations fédérales des Chemins de fer (FRA) et de la Sécurité des oléoducs et des matériaux dangereux (PHMS), qui relèvent toutes deux du ministère américain des Transports, qui ont semé l'inquiétude. 

Le 29 juillet, un directeur de la FRA, Thomas Hermann, détaillait dans une lettre adressée à l'Institut américain du pétrole une série d'irrégularités concernant le transport du pétrole brut. Ces anomalies, a souligné Damon Hill, sont au nombre des raisons qui ont motivé la mise sur pied de l'opération Classification.  

Selon Thomas Herrmann, donc, le pétrole brut est mélangé dans divers puits de source avant d'être acheminé par train. Et comme il n'est pas analysé avant d'être placé dans des citernes, les transporteurs n'en connaissent pas le contenu exact, ajoute-t-il. À titre d'exemple, le directeur rapporte le cas d'une entreprise qui a transporté du pétrole brut du groupe d'emballage III, le moins dangereux, dans des citernes conçues pour le transport de brut du groupe I, le niveau le plus risqué. 

Les wagons-citernes sont surchargés, poursuit Herrmann, qui mentionne également que l'intérieur de ceux-ci est endommagé en raison du caractère corrosif des composés utilisés lors de la fracturation. Résultat : il remarque une hausse des incidents liés aux trous d'homme, valves et raccords grugés par les produits chimiques. 

Quant au nombre de wagons transportant des quantités de pétrole brut trop importantes, leur nombre reste difficile à déterminer, selon Herrmann.

«Le brut est normalement transporté dans des "unités de train" composées de plusieurs citernes», écrit le directeur dans sa lettre. «Or les "unités de train" n'ont habituellement pas à être pesées dans les gares de triage. Il est donc impossible d'identifier un convoi comme étant surchargé.» 

L'opération Classification vise différents sites aux États-Unis, et plus particulièrement dans le Dakota du Nord. Une inspection à Lac-Mégantic n'est pas écartée, si bien que Transports Canada assure qu'il «n'hésitera pas à prendre toutes les mesures à sa disposition» en cas d'infraction à la réglementation fédérale en matière de transport.