Un juge militaire a refusé que les audiences qui se tiennent à Guantanamo puissent être diffusées sur les chaînes de télévision, comme l'avaient demandé, dans un objectif de «transparence», des avocats dans l'affaire de l'attentat contre le navire USS Cole.

Le jugement du colonel James Pohl, dévoilé mercredi sur le site internet des tribunaux militaires d'exception, stipule que «les droits d'accès du public sont constitutionnellement satisfaits tant que des membres du public et des médias peuvent assister au procès et rapporter ce qu'ils ont observé».

En juillet dernier, les avocats du Saoudien Abd al-Rahim al-Nachiri, cerveau présumé de l'attentat contre le navire américain USS Cole, avaient réclamé que les débats qui se tiennent à Guantanamo puissent être télévisés sur les grandes chaînes américaines. Ils avaient estimé que cela permettrait plus de «transparence» et «qu'un public plus important puisse suivre cet événement d'un intérêt national et international».

Mais le juge qui préside toutes les audiences en cours à Guantanamo, y compris celles des cinq accusés des attentats du 11-Septembre, en a décidé autrement: il a estimé qu'il n'avait pas autorité pour téléviser ce qui se passe à l'intérieur de la salle du tribunal de Guantanamo, et que seul le ministre de la Défense pouvait le faire.

Le colonel Pohl n'a pas de raison de statuer autrement pour le procès hautement médiatisé de Khaled Cheikh Mohammed, qui encourt la peine de mort pour avoir organisé les attentats de 2001 à New York et Washington.

Dans son jugement de deux pages, dont l'AFP a obtenu une copie, le colonel Pohl a estimé que, comme c'est le cas devant la justice fédérale, «l'absence de diffusion des procédures à la télévision ne viole pas les garanties que confère le 6e amendement de la Constitution à la presse et au public d'assister aux procès pénaux».

«La frontière est tracée à la porte du tribunal», a ajouté le juge, estimant que la liberté de la presse garantie par le 1er amendement de la Constitution ne permet pas pour autant «d'apporter des équipements de télédiffusion et d'impression à l'intérieur de la salle du tribunal».

«Le juge Pohl et les tribunaux militaires ont raté une occasion (... de permettre au) public de juger par lui-même», a estimé Karen Greenberg, historienne de Guantanamo. «Cette décision non seulement fait apparaître le gouvernement comme se protégeant de toute critique que le regard du public pourrait apporter», a dit cette experte de la Fordham University. Mais c'était aussi «leur chance de démontrer» que ces audiences militaires sont en tout point «semblables à un tribunal fédéral» comme le procureur le prétend.

A l'audience, le gouvernement avait dit son opposition, estimant que les témoins rechigneraient à faire leurs dépositions en cas de télédiffusion des débats. Il a aussi fait état des retranscriptions des débats déjà fournies sur internet et de la retransmission en circuit télévisé fermé sur une base militaire du Maryland, à Fort Meade.

Mais à Guantanamo, une enclave à l'extrême est de Cuba dont l'accès est strictement contrôlé par le Pentagone, les quelques journalistes et proches des victimes assistent aux débats à travers une vitre sans tain, où les échanges leur parviennent avec un différé de 40 secondes, qui permet aux autorités de censurer les déclarations classées secret défense.