«Injustes» et «illégitimes», les tribunaux militaires d'exception devant lesquels les accusés du 11-Septembre comparaissent samedi sont considérés par beaucoup comme relevant d'une «justice de seconde zone» néfaste pour l'image des États-Unis.

«L'Histoire gardera le souvenir d'une vaste erreur», a déclaré à l'AFP le colonel Morris Davis, ancien procureur en chef sur la base navale de Guantanamo, à Cuba.

L'architecte autoproclamé des attentats du 11-Septembre Khaled Cheikh Mohammed et ses quatre co-inculpés comparaissent pour la seconde fois samedi devant la justice militaire d'exception, un système controversé créé par George W. Bush au lendemain des attaques de 2001 à New York et Washington.

«Depuis le début, le système est injuste, impraticable, illégitime», estime Anthony Romero, directeur de l'Union américaine de défense des libertés civiques (ACLU).

Le président Barack Obama a suspendu les tribunaux militaires au lendemain de son élection, interrompant la comparution des cinq accusés. Il voulait les juger à Manhattan, à deux pas de Ground Zero où s'élevaient autrefois les tours jumelles. Mais le président démocrate en a été empêché par les républicains du Congrès qui ont bloqué le transfert sur le territoire américain des accusés poursuivis pour terrorisme.

C'est donc à Guantanamo, hors des États-Unis, devant un système de justice militaire réformé par Barack Obama que les cinq hommes sont traduits.

Ces tribunaux «ont été réformés encore et encore, il n'y a aucun moyen de les réhabiliter», a ajouté le colonel Davis. «Nous avons sapé notre autorité morale, et compromis nos principes pour au moins une dizaine d'années».

Son successeur, le général Mark Martins, a pourtant affirmé à l'AFP que les tribunaux militaires «établis par cinq actes du Congrès, apportent nombre de garanties fondamentales».

«Nous prenons acte de votre inquiétude», a-t-il dit aux avocats de la défense, à la veille de l'audience, mais «nous allons mettre en oeuvre la loi et cette procédure sera juste», a-t-il promis devant la presse.

L'avocat James Connell, qui défend le Pakistanais Ali Abd al-Aziz Ali, l'un des cinq accusés, s'«inquiète en tant qu'Américain que le procès manque de légitimité».

Il a parlé à l'AFP d'un «système improvisé biaisé depuis le début» qui l'empêche aussi de communiquer librement avec son client.

L'avocat qui conteste cette règle devant le juge militaire ne voit pas «l'avantage de traduire cette affaire devant un système incertain par rapport à un système qui a fait ses preuves depuis plus de 200 ans».

«Nous avons créé un système judiciaire de seconde zone», a estimé l'amiral Donald Guter, ancien juge militaire pour l'organisation Human Rights First.

«Si le procès est considéré comme contrôlé par l'armée, c'est un cadeau offert sur un plateau aux recruteurs terroristes», a renchéri Ken Roth, directeur de Human Rights Watch.

C'est aussi l'avis de Terry Greene, représentant une organisation de familles de victimes, qui a dit à l'AFP que la justice de droit commun «a fait ses preuves en matière de terrorisme».

En près de 11 ans, six «combattants ennemis» ont été condamnés par la justice militaire contre environ 120 devant la justice fédérale.

Cliff Russell, cependant, qui a perdu son frère dans les tours jumelles, «n'imagine pas que ces hommes puissent être traduits au palais de justice de New York».

Pour l'analyste William Shawcross, auteur de «Justice and the ennemy», l'accusé bénéficie «de bien plus de protections que les nazis» au procès de Nuremberg.

«Ce n'est pas un droit abominable» a aussi estimé l'analyste Ben Wittes.