La crainte de voir l'Irak sombrer à nouveau dans la violence menace de ternir la fin de l'engagement des États-Unis dans le pays, que le président Barack Obama, en campagne pour sa réélection, aime à citer parmi ses principales promesses tenues.

Moins de deux semaines après le départ du dernier soldat américain d'Irak, le fragile équilibre politique dans ce pays semble compromis. Des partenaires de la coalition gouvernementale accusent le premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite, de harceler les sunnites voire de vouloir établir une nouvelle dictature.

Cette grave crise coïncide avec une recrudescence des violences. Soixante personnes ont perdu la vie il y a une semaine à Bagdad dans une série d'attentats attribués à Al-Qaïda.

«La question actuelle n'est pas de savoir qui a perdu en Irak, mais plutôt, est-ce que l'Irak est perdu pour de bon», estime Frederick Kagan, l'un des architectes de la stratégie américaine en Irak à la fin du mandat de George W. Bush. «On dirait vraiment que c'est le cas», ajoute-t-il dans le Weekly Standard.

L'ascension politique de M. Obama - actuellement en vacances dans son État natal d'Hawaii - doit beaucoup à son opposition à la guerre en Irak.

Alors qu'il n'était qu'élu local en 2002, il avait prononcé un réquisitoire qui avait fait date contre les guerres «idiotes» comme à son sens celle que préparait l'administration républicaine de George W. Bush contre le régime de Saddam Hussein.

Depuis qu'il est devenu président, M. Obama a mis ses critiques en sourdine et cherché à tirer des leçons positives des plus de huit ans de guerre qui ont coûté la vie à près de 4500 soldats américains. Il a affirmé que les États-Unis laissaient derrière eux un Irak «souverain, stable et autosuffisant».

Peter Feaver, un ancien membre des administrations de Bill Clinton et George W. Bush, estime que M. Obama, en confirmant le retrait des soldats d'Irak, «a pris l'option qui était la plus prometteuse pour lui d'un point de vue politique».

«Paradoxalement, je dirais que c'est la plus risquée», prévient-il, un Irak sombrant dans le chaos risquant de jeter une ombre sur sa campagne présidentielle, voire un éventuel second mandat.

Ses adversaires républicains y voient un angle d'attaque.

«Tous les progrès que les Irakiens et les Américains ont effectués, à un coût élevé et douloureux, sont désormais menacés», a ainsi affirmé récemment le sénateur John McCain, candidat malheureux face à M. Obama en 2008.

De son côté, le favori des sondages pour la primaire républicaine en vue de la présidentielle du 6 novembre, Mitt Romney, a qualifié le retrait américain d'Irak de «précipité». «Nous aurions dû laisser 10, 20 ou 30 000 soldats» sur place afin de faciliter la transition, a-t-il affirmé sur Fox News.

Mais pour Marina Ottaway, de la Fondation Carnegie pour la paix, assimiler présence militaire et influence politique est une erreur. L'Irak a déjà connu une période de forte instabilité après les législatives de 2009, alors que des dizaines de milliers de soldats américains étaient encore sur place.

M. Obama, lors de ses déplacements et interventions en public, comme face à des donateurs démocrates le 30 novembre à New York, ne manque jamais de rappeler qu'il a tenu «l'une des premières promesses que j'ai énoncées en 2008», le retrait d'Irak.

Cet argument risque toutefois de ne pas porter auprès des électeurs, prévient Mme Ottaway. «Ce qui préoccupe surtout les gens, c'est l'économie» et «personne ne veut plus entendre parler» de l'Irak, selon elle.

Selon un sondage Zogby publié en septembre, seuls 26% des Américains interrogés affirment que la guerre en Irak était justifiée a posteriori, tandis que 56% disent le contraire.