Dans les coulisses de la diplomatie américaine, les dirigeants arabes expriment, au sujet du programme nucléaire de Téhéran, une peur qui rivalise avec celle de leurs voisins ou adversaires israéliens.

Ni les uns ni les autres ne semblent cependant avoir réussi à convaincre leurs alliés américains de la pertinence d'une attaque contre les installations iraniennes, selon l'examen des nouvelles fuites du site WikiLeaks par les journaux qui y ont eu accès, dont le New York Times et Le Monde.

Le roi d'Arabie Saoudite, Abdallah ben Abdelaziz, est l'un des dirigeants arabes qui ont exhorté les États-Unis à «couper la tête du serpent», une allusion à l'Iran, pays qu'il a qualifié d'«aventurier au sens négatif» en mars 2009 lors d'une rencontre avec le conseiller de la Maison-Blanche pour l'antiterrorisme, John Brennan. À la suite d'une rencontre avec le conseiller de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, le général James Jones, un câble daté du 11 février 2009 a résumé ainsi sa pensée: «Le roi saoudien a dit au général Jones que si l'Iran parvenait à mettre au point des armes nucléaires, tout le monde, dans la région, ferait de même.»

Le 1er novembre 2009, le roi du Bahreïn, Hamad Al-Khalifa, a également appelé les Américains à stopper le programme nucléaire iranien. «Le danger de le poursuivre est supérieur à celui de le stopper», a-t-il déclaré au général américain David Petraeus.

Les câbles diplomatiques américains font également état de la «haine viscérale» du président égyptien Hosni Moubarak pour la République islamique. Un télégramme prête par ailleurs au président de la Chambre haute du Parlement jordanien cette déclaration, qui remonte au mois de mars 2009: «Bombardez l'Iran ou vivez avec un Iran nucléaire, les sanctions, les carottes, les incitations n'ont pas d'importance.»

Les pressions exercées par Israël auprès de Washington dans le dossier iranien sont largement connues. Les fuites de WikiLeaks révèlent néanmoins que le ministre israélien de la Défense Ehoud Barak a profité de la visite de parlementaires américains dans son pays, en mai 2009, pour envoyer un message pointu au nouveau président des États-Unis.

Selon un câble envoyé par l'ambassadeur américain en Israël, James Cunnigham, Barak a déclaré aux visiteurs que le monde avait de 6 à 18 mois pour empêcher l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire. Passé cette période, «toute solution militaire occasionnerait des dommages collatéraux inacceptables», a-t-il dit, ce qui laissait entendre que l'État hébreu était prêt à passer à l'action.

Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a exprimé le scepticisme de Washington à l'égard de la pertinence de frappes israéliennes ou américaines contre les installations iraniennes lors d'une rencontre avec son homologue français Hervé Morin, en février 2010.

Selon un câble diplomatique américain, le ministre Morin a demandé si Israël pouvait frapper l'Iran sans l'appui des États-Unis. Son interlocuteur américain a répondu par l'affirmative, tout en disant ignorer si une telle opération serait couronnée de succès. Mais toute attaque contre l'Iran «ne ferait que retarder d'un à trois ans» sa quête de l'arme atomique, tout en unifiant le peuple iranien contre l'attaquant, a ajouté l'Américain.

Les Israéliens, par la voix d'Amos Gilad, responsable au ministère de la Défense, ont pour leur part exprimé leur scepticisme à l'égard de la politique de la main tendue du président Obama lors d'une rencontre en décembre 2009 avec une responsable du secrétariat d'État. «C'est une bonne idée, mais il est clair que cela ne marchera pas», a dit Gilad.

Des câbles diplomatiques révèlent par ailleurs que l'Iran a acquis auprès de la Corée du Nord des missiles de technologie avancée lui permettant de frapper les capitales européennes. Les missiles nord-coréens pourraient également servir aux Iraniens pour assembler des missiles de longue portée.