Pour des millions d'Américains, le Dr Sanjay Gupta est le bon docteur souriant et charismatique qui fait des topos sur la santé à CNN.

Pour Barack Obama, M. Gupta posséderait l'étoffe d'un directeur général de la Santé publique, poste que le président désigné doit attribuer dans les prochains jours.

Obama a récemment passé deux heures à discuter avec le Dr Gupta, et lui aurait fait une offre. CNN a depuis annoncé que le docteur ne traiterait plus de l'aspect politique de la santé sur les ondes, histoire d'éviter les conflits d'intérêts.

Or, l'engouement d'Obama pour le Dr Gupta est loin de plaire à tout le monde.

«Il n'est clairement pas dans le meilleur intérêt de la nation de confier le poste à un homme qui n'a pas l'expérience nécessaire pour diriger une agence fédérale de 6000 médecins», a écrit le représentant démocrate John Conyers dans une lettre envoyée hier à ses collègues, les enjoignant de manifester leur opposition à la candidature du Dr Gupta.

Poste de relations publiques

Le directeur général de la Santé publique (surgeon general) est, en grande partie, un poste de relations publiques. Celui qui l'occupe doit être en mesure d'expliquer les grands enjeux de la santé au public, et de vulgariser les approches et les priorités du gouvernement fédéral.

Une tâche qui siérait au Dr Gupta: neurochirurgien de formation, M. Gupta tient une chronique dans Time, en plus d'être correspondant pour CNN et spécialiste des questions de santé pour CBS. Il s'est fait connaître pour avoir opéré du cerveau un enfant de 2 ans devant les caméras en Irak. Même le démocrate Howard Dean, lui-même médecin, a dit que les responsabilités du Dr Gupta s'apparenteraient au travail qu'il fait présentement.

Or, son ego semble aussi imposant que son CV, une caractéristique qui l'a poussé à faire des erreurs par le passé.

Après la sortie du film Sicko, de Michael Moore, qui peignait un portrait dévastateur du système de santé américain, le Dr Gupta s'est mis au travail. Il a diffusé un topo à CNN, dans lequel il accusait le cinéaste de «déformer les faits». Les deux hommes ont croisé le fer lors d'une entrevue à l'émission de Larry King.

Or, quelques jours plus tard, le Dr Gupta est revenu sur certains points de son analyse. Il s'est excusé d'avoir cité un chiffre erroné, mais pas d'avoir attaqué sans raison le travail de Moore.

Cette semaine, le chroniqueur du New York Times et récipiendaire d'un prix Nobel, Paul Krugman, a écrit que le Dr Gupta a agi de manière malhonnête en critiquant Moore.

«Ce qui m'agace dans cet épisode, c'est la mentalité de village, écrit Krugman. Michael Moore n'est pas un spécialiste de la santé, donc ses chiffres ne sont pas crédibles... Cela me fait penser aux opposants de la première heure de la guerre en Irak, perçus à l'époque comme des illuminés. Ils sont à ce jour moins crédibles que les gens qui ont critiqué la guerre une fois que c'était bien vu de le faire.»

Reste à voir si ce mouvement de contestation prendra de l'envergure. Jusqu'ici, les nominations de Barack Obama ont toutes été acceptées par les démocrates. Il serait étonnant que ces derniers tiennent tête au président désigné le plus populaire des dernières décennies, surtout au sujet du poste symbolique de premier docteur de la nation.