La stratégie de campagne du sénateur John McCain apparaissait samedi de plus en plus confuse alors que le candidat républicain a brusquement changé son fusil d'épaule pour revenir à un ton plus civil face à son rival démocrate Barack Obama en tête dans les sondages.

Après une semaine d'attaques sous la ceinture contre M. Obama et des meetings électoraux dans lesquels des supporters en colère hurlaient des insultes et parfois des incitations au meurtre à l'adresse du candidat noir, le sénateur McCain a voulu calmer le jeu, renonçant à une tactique de dénigrement systématique qui ne semble en rien affaiblir son opposant. «Les meetings républicains faisaient de plus en plus peur et McCain ne veut pas qu'on se souvienne de lui de cette manière, c'est-à-dire négativement», a expliqué à l'AFP Larry Sabato, directeur de l'Institut d'Etudes Politiques de l'Université de Virginie.

Après avoir notamment accusé, avec sa colistière Sarah Palin, Barack Obama de copinage avec Bill Ayers, un ex-militant dont le groupe a organisé une campagne d'attentats aux États-Unis dans les années 60, John McCain a changé de ton vendredi après-midi.

«J'admire le sénateur Obama, je le respecte et c'est ainsi que doit être la politique», a-t-il dit en campagne à Lakeville (Minnesota). «Je veux dire par là que vous devez être respectueux», a ajouté le sénateur de l'Arizona. C'est «quelqu'un de bien et quelqu'un dont vous ne devez pas avoir peur s'il est président des États-Unis», a-t-il insisté face à une foule furieuse de ce virage à 180 degrés.

«Je ne pense pas que McCain en agissant ainsi ait accepté le fait qu'il va perdre l'élection, bien que presque tout le monde en soit convaincu», a estimé Larry Sabato. L'éclatement de la crise financière la plus grave depuis le krach de 1929 a créé un handicap quasiment insurmontable pour M. McCain que l'opinion publique associe dans ce désastre au très impopulaire George W. Bush.

En recentrant sa campagne, McCain prend le risque, selon le politologue, de s'aliéner «l'électorat républicain de base qui pourrait accuser McCain après l'élection d'avoir perdu pour avoir renoncé à des attaques personnelles contre Obama».

Toutefois, selon M. Sabato, la tactique dure «n'a aucun impact sur le candidat démocrate et aurait probablement fait perdre des votes à McCain» qui manifestement «veut rétablir sa réputation de respectabilité».

L'attitude de M. McCain a été critiquée au sein-même du camp républicain. L'éditorialiste conservateur George Will s'est récemment demandé, dans une colonne publiée dans le Washington Post, «si McCain n'a pas perdu la tête».

Fin septembre, ce même éditorialiste avait jugé le sénateur républicain «non-présidentiel» et «préoccupant» dans sa réaction face à la crise financière.

Harold Ford, président du «Democratic Leadership Council» se demandait samedi dans un éditorial paru dans le Washington Post «si McCain était prêt à tout pour gagner?» en adoptant des tactiques dont il avait été lui-même victime dans les primaires républicaines en 2000 contre M. Bush et qu'il avait dénoncées.

«En adoptant la même approche contre Obama, McCain ternit sa réputation et soulève des questions quant à son attachement à la notion d'équité et de décence» qu'il a défendu avec force durant toute sa carrière et lui ont valu un grand respect, écrit ce responsable démocrate.

Les conclusions d'une enquête d'un conseil législatif d'Alaska rendues vendredi selon lesquelles Sarah Palin, la jeune colistière de M. McCain a abusé de son pouvoir de gouverneur, sont venues éclabousser encore l'image du sénateur.

Le conseil a estimé que Sarah Palin avait abusé de son autorité en oeuvrant avec son époux pour faire licencier, en vain, son ex-beau-frère, un policier.