Un juge fédéral a ordonné mardi que le gouvernement américain relâche, aux Etats-Unis, 17 Chinois Ouïgours détenus à Guantanamo depuis 2002, ouvrant une petite porte dans laquelle d'autres prisonniers pourraient s'engouffrer.

Il s'agit de la première décision de la justice civile américaine en faveur d'une libération sur le sol américain, une option qui a toujours été énergiquement refusée par le gouvernement Bush.

Interrogé par l'AFP, le ministère de la Justice n'avait pas répondu en fin de matinée s'il entendait interjeter appel de cette décision.

Il s'agit d'une «étape importante», a réagi l'organisation Human Rights Watch dans un communiqué. «La situation des Ouïgours est un rappel cru du bourbier judiciaire et moral que représente Guantanamo», a estimé de son côté l'Association de défense des libertés civiles (Aclu).

Le casse-tête chinois des détenus Ouïgours, une minorité turcophone et musulmane, a commencé en 2004, lorsque le gouvernement a admis pour la première fois qu'ils ne constituaient pas un danger pour la sécurité nationale et devaient être renvoyés dans leur pays, comme des dizaines d'autres détenus l'ont été.

Sauf que ces Ouïgours sont, l'administration Bush le reconnaît, persécutés par Pékin, et directement menacés de torture et de mort, de telle sorte que Washington refuse de les renvoyer.

Depuis donc, ces hommes, restent détenus dans le centre de détention de l'armée américaine situé dans la baie de Guantanamo (Cuba).

Cette situation ubuesque a duré, au gré des recours, alors que leurs avocats protestaient contre leurs conditions de détention «cauchemardesques».

Dans l'argumentaire fourni au juge Urbina avant l'audience de mardi, ils rappellent que «au moins six de ces hommes sont toujours maintenus à l'isolement» dans le camp de haute sécurité du centre de détention, c'est-à-dire qu'ils passent au moins 22 heures par jour à l'isolement, dans une cellule entièrement métallique sans lumière naturelle.

En mai 2006, l'Albanie a accepté d'accueillir cinq détenus mais aucun autre pays n'a pris le risque de mécontenter le gouvernement chinois en leur donnant asile.

Le 30 septembre dernier, le gouvernement a achevé de blanchir la totalité des 17 détenus de l'accusation de «combattant ennemi» qui justifie leur détention à Guantanamo, sans charge ni procès.

Ces hommes demandaient donc leur libération temporaire sur le sol américain, le temps qu'un pays tiers accepte de les accueillir, selon les documents judiciaires dont l'AFP a obtenu copie.

L'administration Bush avait prévu de les maintenir dans des «logements spéciaux» du centre de détention de Guantanamo «jusqu'à ce qu'ils puissent s'installer dans un pays étranger». Dans son argumentaire, elle a insisté sur le fait qu'un juge «ne dispose pas du pouvoir de relâcher (ces détenus) à l'intérieur des frontières des Etats-Unis», privilège qui revient à l'exécutif, en l'occurrence le Pentagone.

Alors que la totalité des quelque 250 hommes toujours emprisonnés à Guantanamo ont engagé des recours pour contester leur détention (Habeas Corpus) grâce à une décision en ce sens de la Cour suprême en juin, d'autres détenus ont été blanchis de leur accusation de «combattant ennemi».

Il s'agit notamment d'Algériens et de Lybiens dans l'incapacité d'être libérés parce qu'ils sont menacés dans leur pays d'origine.

Fuyant la Chine, les Ouïgours étaient réfugiés dans des camps en Afghanistan lorsque la coalition est intervenue militairement en Afghanistan après les attentats du 11-Septembre. Ils ont alors fui vers la frontière avec le Pakistan où ils ont été remis aux autorités américaines par des mercenaires.