Le plan de sauvetage devant mettre fin aux souffrances de Wall Street a été rejeté par la Chambre des représentants, malgré une entente de principe intervenue ce week-end entre les leaders démocrates et républicains. Un coup de théâtre qui a fait connaître aux Bourses du monde entier leur pire journée depuis le krach de 1987. Au Canada, la Bourse de Toronto a perdu 6,9 %.

Par un vote de 228 à 205, la Chambre des représentants a sonné la mort du plan de sauvetage qui aurait permis au gouvernement américain de renflouer les finances des institutions financières en leur achetant jusqu'à 700 milliards US de titres hypothécaires à risque.

Hier, le président Bush a été trahi par sa propre famille politique. Au total, 133 des 198 élus républicains à la Chambre (soit 67 %) ont voté contre son plan de sauvetage de 700 milliards, qui a reçu l'appui des démocrates par une proportion de 140 contre 95.

Même s'il vient de subir l'un des revers les plus importants de sa présidence, George W. Bush s'est dit confiant d'en arriver éventuellement à une entente avec le Congrès. « Je suis déçu du vote du Congrès sur le plan de sauvetage, dit-il. Je vais avoir des discussions avec mes conseillers économiques et nous allons travailler avec les membres du Congrès sur la manière de progresser. »

Son secrétaire au Trésor, Henry Paulson, s'inquiétait des conséquences du rejet du plan de sauvetage sur l'économie du pays. Sans un plan adéquat, il craint que le gouvernement ne puisse protéger les Américains de la pire crise financière qui sévit à Wall Street depuis la Grande Dépression des années 30. Si le marché du crédit s'effondrait, les entreprises ne pourraient plus payer les salaires ni continuer leurs activités. « C'est trop important pour que nous échouions », a-t-il dit hier après le vote.

Blâme

Alors que la Maison-Blanche implorait le Congrès de s'entendre rapidement, les leaders démocrates et républicains ont passé le reste de la journée d'hier à se blâmer mutuellement.

Les républicains ont dénoncé l'attitude de la présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi, dont ils ont trouvé le discours précédant le vote trop partisan. « Je crois que le plan aurait pu passer, mais la présidente de la Chambre a livré un discours partisan qui lui a fait perdre l'appui de notre caucus », a dit le républicain John Boehner, leader minoritaire de la Chambre.

Des accusations vite réfutées par les démocrates, qui ont rappelé avoir été les seuls à respecter l'entente de principe conclue le week-end dernier entre les leaders des deux partis. « L'économie américaine est aux prises avec une crise terrible, nous arrivons avec un projet de loi pour mettre fin à cette crise et les républicains décident de punir le pays parce que quelqu'un a heurté leurs sentiments ? Je ne les croyais pas aussi petits et aussi sensibles », dit Barney Frank, un représentant du Massachusetts qui était à la table des négociations pour les démocrates.

Un autre vote cette semaine ?

Les partisans du plan de sauvetage tenteront de tenir un autre vote à la Chambre avant la fin de la semaine. Le Congrès ne devrait pas se réunir aujourd'hui et demain en raison du Nouvel An juif. Un vote pourrait avoir lieu dès jeudi.

Hier, les deux principaux indices américains, le Dow Jones et le S & P 500, ont clôturé la séance en baisse respectivement de 6,71 % et 8,80 %. Il s'agit de la pire journée sur les marchés boursiers américains depuis le krach de 1987.

Les déboires de la Bourse convaincront peut-être certains élus de changer leur vote, mais l'aile conservatrice du caucus républicain à la Chambre s'opposera toujours au plan de sauvetage pour des raisons idéologiques. « Si vous croyez comme moi à un rôle limité du gouvernement et à la liberté du marché, vous devez voter selon vos convictions », a dit Mike Pence, représentant républicain de l'Indiana.

Jadis, ces républicains ultraconservateurs sur le plan économique étaient les plus grands partisans de George W. Bush, lui-même adepte du libre marché. Mais cette fois, le président tente d'orchestrer le plus important sauvetage de l'histoire de l'économie américaine. « Nous avons conçu un plan important parce que nous avons un problème important », se justifie George W. Bush. Une explication qui ne convainc pas ceux qu'ils l'ont aidé à s'installer à la Maison-Blanche il y a bientôt huit ans.