Le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a estimé jeudi à l'ONU qu'il y avait «encore une chance» de résoudre la crise avec Moscou pacifiquement, à trois jours du référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie.

Intervenant à l'ouverture d'une session d'urgence du Conseil de sécurité, en présence notamment de l'ambassadeur russe Vitali Tchourkine, il a également accusé Moscou d'avoir «miné les efforts de non-prolifération nucléaire».

L'ambassadeur russe à l'ONU Vitali Tchourkine lui a «répondu directement»: «La Russie ne veut pas la guerre et les Russes non plus, et je suis convaincu que les Ukrainiens non plus», a-t-il affirmé, réitérant toutefois la position de son gouvernement, qui conteste la légitimité des autorités de Kiev.

Par ailleurs, les États-Unis ont transmis à leurs partenaires du Conseil un projet de résolution dénonçant le référendum de dimanche en Crimée et soutenant l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Selon des diplomates, Washington et Paris souhaitent un vote avant le referendum, mais la Russie y opposera de toute façon son veto.

Demandant à Moscou de retirer ses renforts envoyés en Crimée et «d'entamer des négociations», M. Iatseniouk a accusé la Russie de contrevenir à l'article 2 de la Charte de l'ONU sur le non-usage de la force contre un Etat souverain.

Moscou a aussi «miné les efforts de non-prolifération nucléaire», a-t-il poursuivi, expliquant qu'il «serait difficile de convaincre quiconque dans le monde de ne pas acquérir des armes nucléaires» quand le Mémorandum de Budapest de 1994 est ainsi remis en cause.

La Russie, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont signé en 1994 le «Mémorandum de Budapest» dans lequel ils garantissaient «l'indépendance, la souveraineté et les frontières existantes de l'Ukraine», qui en échange acceptait de retirer toutes les armes nucléaires déployées sur son territoire à l'époque soviétique.

Ce conflit «dépasse les frontières de l'Ukraine», a souligné Arseni Iatseniouk, redisant la volonté de Kiev «d'entamer des discussions» avec Moscou pour résoudre cette crise et rejetant «toute forme d'agression militaire».

Intervenant après lui, les Occidentaux membres du Conseil ont réaffirmé leur rejet du référendum de dimanche et exprimé l'espoir d'une résolution pacifique de cette crise.

L'ambassadrice américaine Samantha Power a jugé que le référendum «n'avait aucune justification» et elle a «soutenu fermement des négociations directes entre Kiev et Moscou». «Il serait dangereux et irresponsable pour la Russie de prendre des mesures unilatérales ou de s'associer aux actions unilatérales des autorités de Crimée», a déclaré l'ambassadeur britannique Mark Lyall Grant.

Selon l'ambassadeur français Gérard Araud, la France soutient le projet de résolution américain et l'idée de Washington de voter avant le référendum. «Lançons tous, membres ou non du Conseil de sécurité, un dernier appel à la Russie», a-t-il ajouté dans son discours devant le Conseil. «La Russie doit résister au vertige nationaliste qui l'a saisi et qui est toujours de mauvais conseil».

Selon des diplomates, il est possible que la Chine s'abstienne lors du vote, ce qui permettrait aux Occidentaux d'accentuer l'isolement de Moscou sur ce dossier.

L'ambassadeur chinois Liu Jieyi s'est borné à répéter «la nécessité de respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale» des États et s'est déclaré «ouvert à toutes les propositions susceptibles de faire baisser la tension».

Le projet de résolution américain «déclare que le référendum ne peut avoir aucune validité et ne peut pas fonder la moindre modification du statut de la Crimée». Le texte demande à tous les États de ne pas reconnaitre son résultat.

Il demande à Moscou et Kiev d'«entamer un dialogue politique direct» et de faire preuve de retenue, mais ne contient aucune critique directe ni menace contre Moscou.

Moins de trois semaines après que des hommes armés ont pris le contrôle du parlement de la province et installé un gouvernement pro-russe, les 1,5 million d'électeurs de Crimée sont appelés dimanche à voter sur un rattachement à la Russie, dont elle faisait partie jusqu'en 1954 avant d'être rattachée à l'Ukraine par le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.