Le Parlement ukrainien a appelé mardi la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye à poursuivre le président déchu Viktor Ianoukovitch, après le bain de sang à Kiev qui a fait 82 morts la semaine dernière.

«Nous appelons la CPI à établir les coupables de ce crime contre l'humanité (...) et à lancer des poursuites contre Viktor Ianoukovitch et d'autres hauts responsables qui donnaient et exécutaient des ordres criminels», selon une résolution approuvée à une très large majorité au Parlement.

Un mince filet de fumée

Un mince filet de fumée s'échappe mardi d'une cheminée plantée sur un toit vert à l'intérieur du complexe résidentiel hermétiquement fermé de Viktor Ianoukovitch à Donetsk : le président déchu est introuvable et certains donneraient cher pour savoir s'il est toujours dans cette région russophone de l'est de l'Ukraine.

«Je suis sûr que l'on ne le retrouvera pas. Tant de gens le cherchent depuis tant de jours», explique Vitali, pompier au ministère des Situations d'urgence.

Il a accompagné l'équipe de l'AFP jusqu'à ce petit ensemble de villas cossues, dont les rues étroites sont complètement désertes, à une dizaine de kilomètres du centre-ville.

«Si je savais la moindre chose, je le dirais et je toucherais une grosse récompense», ajoute cet homme de 37 ans, qui habite dans la grande banlieue de Donetsk, cité industrielle enfouie sous la grisaille.

Celle-ci se trouve au coeur de la région minière du Donbass, où Viktor Ianoukovitch est né en 1950. La justice ukrainienne a émis contre lui un mandat d'arrêt pour «meurtres de masse» et le Parlement vient de voter une résolution demandant à la Cour pénale internationale de La Haye de le poursuivre dans le cadre d'une enquête pour «crimes contre l'humanité».

En attendant, il est impossible de pénétrer dans ce vaste domaine sis au 65-a de la rue Raïnissa, que bordent des pins alignés le long du haut mur d'enceinte fait de briques, de béton et de pierres, le tout surmonté d'une partie métallique.

Personne ne répond lorsque l'on actionne la sonnette à droite de l'imposant portail brun y donnant accès et une guérite aux vitres teintées érigée là est désespérément vide.

Seul l'aboiement au loin d'un chien vient rompre le lourd silence qui enveloppe cet îlot de «luxe» perdu au milieu de nulle part.

Les rumeurs les plus folles

Les rumeurs les plus folles circulent sur Viktor Ianoukovitch, dont on est sans nouvelles depuis qu'il a vainement tenté samedi de s'enfuir en avion à partir de Donetsk. L'ancien homme fort du pays a quitté le pouvoir sous la pression de la rue, après que plus de 80 personnes ont perdu la vie en trois jours dans des affrontements à Kiev où la police a tiré à balles réelles.

Pour nombre d'habitants de cette agglomération de plus d'un million d'habitants, il se terre probablement encore dans les environs.

«Je pense qu'il est à Donetsk et qu'il s'y cache», dit ainsi Mark, un étudiant, sur l'immense place Lénine, où une vingtaine de personnes manifestent mardi matin, comme chaque jour depuis le changement de pouvoir à Kiev, près de la statue du fondateur de l'URSS, dont l'Ukraine a fait partie.

D'autres murmurent qu'il est peut-être à Sébastopol, dans la péninsule ukrainienne pro-russe de Crimée, où mouillent les navires de la Flotte russe de la mer Noire.

D'autres encore qu'il aurait d'ores et déjà réussi à quitter l'Ukraine...

Mais une chose est sûre : pratiquement toutes les personnes rencontrées dans son fief de Donetsk le vouent désormais aux gémonies.

«Sa fuite de Kiev est un acte de trahison. Il a abandonné son peuple», s'emporte ainsi Dmitri, 22 ans, étudiant en anglais et en allemand, qui reconnaît avoir voté pour lui.

Un total retournement de situation si l'on songe que Viktor Ianoukovitch, ex-vice-gouverneur, puis, de 1997 à 2002, gouverneur de la province de Donetsk, avait lors de l'élection présidentielle de 2010 été largement soutenu par la population locale, farouchement opposée aux nationalistes de l'ouest de l'Ukraine.