Après la condamnation du tueur Anders Behring Breivik, la Norvège va s'employer à éradiquer les graves dysfonctionnements de ses institutions mis au jour par le massacre, son Parlement se réunissant dans ce but mardi en session extraordinaire.

En prononçant la peine maximale -21 ans de prison avec possibilité de prolongation- vendredi à l'encontre de l'extrémiste de droite pour le meurtre de 77 innocents l'an dernier, la justice norvégienne a refermé un douloureux chapitre.

«Jamais le mot soulagement n'a été prononcé aussi souvent dans un tribunal qu'après le verdict d'hier», notait samedi un éditorialiste d'Aftenposten, le journal de référence en Norvège.

Un sentiment partagé par les rescapés du carnage d'Utoeya, l'île où Breivik avait ouvert le feu sur un camp d'été de la Jeunesse travailliste, tuant 69 personnes. Juste avant, il avait fait exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, faisant huit autres morts.

«Cette merde est enfin finie. La vie peut maintenant commencer», résumait ainsi Ingrid Nymoen sur Twitter.

Le soulagement est d'autant plus grand que le jugement est selon toute vraisemblance définitif, l'accusation et la défense ayant toutes deux en principe renoncé à faire appel.

Mais, passé le procès et ses vertus cathartiques, la Norvège, pays de tradition libérale, au point d'être parfois naïf disent les esprits critiques, doit maintenant s'attaquer aux failles apparues à l'occasion des crimes de Breivik.

Une commission indépendante mise en place par le premier ministre Jens Stoltenberg a vivement critiqué la réponse des autorités aux attaques, jugeant que l'attentat à la bombe d'Oslo aurait pu être évité et Breivik arrêté plus tôt.

Son rapport, publié le 13 août, a entraîné la démission du chef de la police norvégienne.

Il a fustigé une forme d'apathie jusqu'au plus haut niveau de l'État, qui a empêché de mettre en oeuvre la décision prise en 2004 de fermer partiellement le quartier des ministères à la circulation.

Une telle impéritie avait permis à Breivik de garer une camionnette transportant une bombe artisanale de près d'une tonne au pied même de la tour de 17 étages qui abrite les bureaux du premier ministre.

Au lendemain de la publication du rapport, le tabloïde Verdens Gang (VG), principal tirage de la presse norvégienne, appelait d'ailleurs M. Stoltenberg à assumer ses responsabilités et à démissionner.

Même si une vaste majorité de Norvégiens estiment que le dirigeant travailliste doit rester à son poste, l'appel et l'écho qui s'en est suivi ont fait mauvais effet à un an d'élections législatives très incertaines pour le gouvernement.

Jens Stoltenberg va, à sa demande, s'adresser mardi au Parlement qui interrompra sa pause estivale pour une session extraordinaire.

La réunion a pour objet de tirer les enseignements des critiques formulées par la commission, notamment en ce qui concerne la désorganisation des forces de sécurité qui a sans doute coûté des vies le 22 juillet 2011.

L'opposition de droite n'a pas exclu de déposer ensuite une motion de défiance contre le gouvernement. Une telle initiative resterait de toute façon symbolique puisque la coalition de centre gauche au pouvoir dispose actuellement au Parlement de la majorité nécessaire pour gouverner.

Une réflexion doit aussi s'engager sur le rôle de la psychiatrie dans les procès, son importance et ses méthodes.

Le procès Breivik a en effet donné lieu à une profusion de diagnostics divergents -on a même parlé de «championnat de Norvège de psychiatrie»- qui ont rappelé que cette discipline n'était pas une science exacte et qui ont entamé la confiance des Norvégiens à son égard.