De plus en plus intégrés aux systèmes politiques, les partis d'extrême-droite européens rejettent tout amalgame avec les attentats de Norvège même si, selon des experts, leurs thématiques ont pu contribuer à une radicalisation du climat.

Du Parti du Progrès (FrP) norvégien, auquel le tueur présumé a adhéré pendant quelques années, au Front national (FN) de la Française Marine Le Pen en passant par le Parti pour la Liberté (PVV) néerlandais de Geert Wilders, tous ont ostensiblement pris leurs distances avec celui qu'ils ont décrit comme un «malade» ou un «psychopathe».

Le Norvégien Anders Behring Breivik, qui a reconnu être l'auteur d'un attentat à la bombe et d'une fusillade qui ont fait près d'une centaine de morts, affichait sur l'internet son islamophobie et son antimarxisme et est présenté par la police comme un «fondamentaliste chrétien».

En pleine ascension électorale en Europe, plusieurs de ces formations, qui ont en commun le rejet de l'islam, ont dénoncé une tentative de manipulation.

«Traditionnellement, on veut compromettre les partis de droite avec des gens pareils», a déclaré à l'AFP l'homme fort de la formation flamande Vlaams Belang, Filip Dewinter. «C'est de l'amalgame», a-t-il dénoncé.

En France, où la responsabilité de l'extrême-droite a été mise en cause par l'association antiraciste Mrap et par le parti socialiste, la présidente du FN a dénoncé une tentative de «créer la confusion dans les esprits».

Pour le politologue français Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême-droite, le massacre pose toutefois la question de la «responsabilité» des idées véhiculées par ces formations.

«Il faut se poser la question de la responsabilité de ces idées qui depuis dix ans présentent l'Europe comme un continent en voie d'islamisation et tous les musulmans comme des ennemis de l'Occident», estime-t-il.

«Beaucoup de gens jouent avec le feu; à un moment donné nécessairement c'est un climat qui génère une volonté de passer à l'action et de ne pas se contenter de demandes de restrictions des modalités d'arrivée des immigrants ou de restrictions d'acquisition de la nationalité», juge-t-il.

Les partis d'extrême-droite jouent toutefois un rôle de «frein à l'expression la plus violente des idées racistes» en les canalisant par le vote, relève Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).

«Mais en même temps, arrivent dans ces formations une série de gens qui au bout d'un moment les quittent parce qu'ils trouvent que leur idéologie n'est pas assez radicale», note-t-il.

Pour autant, les experts soulignent l'idéologie composite du tueur norvégien. «C'est un mélange des genres assez étonnant, avec une religiosité militante et l'appartenance à la franc-maçonnerie, qui révèle un itinéraire très personnel», note Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques.

Pour l'expert Mathieu Guidère, qui dirige un programme universitaire de veille sur la radicalisation dans le monde, Anders Breivik représente un courant «néofondamentaliste chrétien», né en réaction aux attentats du 11 septembre 2001.

«Face aux attentats du 11 septembre, certains ont estimé que la réaction n'a pas été à la hauteur», explique-t-il. Comme les islamistes, souligne le chercheur, ces «néofondamentalistes» chrétiens, utilisent les nouvelles technologies, internet, et ont le «même référent médiéval, celui des croisades».

«Les uns estiment qu'ils sont envahis par les croisés, les autres qu'ils sont envahis par les musulmans, d'un côté ils estiment que la nation musulmane a été corrompue par des influences occidentales, côté chrétien on estime que la culture chrétienne a été corrompue par le multiculturalisme», décrit-il.

La cible prise par Anders Breivik, selon l'expert, est logique: les jeunes travaillistes, «qui diffusent cette idéologie de l'ouverture multiculturelle».