Barack Obama a annoncé vendredi son intention de rogner les pouvoirs de l'agence de renseignement NSA, en réformant la collecte de données téléphoniques, sans pour autant y renoncer, et en promettant de ne plus espionner les dirigeants de pays amis.

«Étant donnés les pouvoirs uniques du gouvernement (américain), il n'est pas suffisant pour ses dirigeants de dire "faites-nous confiance, nous n'abusons pas des données que nous récupérons"», a concédé le président, dans un discours de près d'une heure tièdement accueilli par les défenseurs de la vie privée.

Depuis qu'Edward Snowden, ancien consultant de la NSA réfugié en Russie, a commencé à dévoiler l'été dernier l'étendue des programmes de surveillance, la Maison-Blanche s'est retrouvée sur la défensive, aussi bien aux États-Unis que face à des dirigeants étrangers outrés d'avoir été espionnés.

Soucieux de rétablir la confiance, M. Obama a affirmé que «les critiques ont raison de dire que sans garde-fous appropriés, ce genre de programme pourrait être utilisé pour obtenir davantage de renseignements sur nos vies privées, et ouvrir la voie à des programmes de collecte plus indiscrets».

«Je pense qu'une nouvelle approche est nécessaire. C'est la raison pour laquelle je donne l'ordre d'une transition qui mettra fin à la collecte de données (...) au terme de l'article 215» du Patriot Act, ensemble de lois sécuritaires adoptées dans la foulée des attentats du 11-Septembre, a expliqué M. Obama lors de ce discours au ministère de la Justice.

Conformément à ce texte, les opérateurs téléphoniques américains fournissent à la NSA les métadonnées de l'ensemble des appels téléphoniques passés aux États-Unis. Ces métadonnées sont comparables à ce que l'on trouve sur une facture téléphonique: numéro appelé, durée de l'appel, horaire. Mais elles n'incluent ni le nom de l'abonné, ni l'enregistrement des conversations.

Le président a toutefois assuré qu'«être capable d'examiner les connections téléphoniques pour établir si un réseau existe est crucial» et que cette collecte continuerait, «sans que le gouvernement détienne ces métadonnées» à l'avenir.

Les défenseurs de la vie privée dubitatifs

Il a chargé le Renseignement et le ministre de la Justice de mettre au point une réforme à cet effet, sans se prononcer sur quelle entité devrait être dépositaire des informations. Les entreprises de télécommunications ont déjà fait part de leur réticence.

Les révélations de M. Snowden ont froissé de nombreux partenaires des États-Unis, notamment la France, l'Allemagne, le Brésil et le Mexique, des courroux que M. Obama s'est une nouvelle fois employé à calmer vendredi.

«À moins que notre sécurité nationale ne soit en jeu, nous n'espionnerons plus les communications des dirigeants de nos alliés proches et de nos amis», a-t-il insisté.

Il a malgré tout noté que ses services continueraient à «réunir des informations sur les intentions des gouvernements à travers le monde», comme le font tous les autres pays.

Il a aussi répété que les actions de M. Snowden avaient été dommageables à la sécurité des États-Unis et qu'il faudrait peut-être «des années» avant de mesurer l'ampleur des dégâts.

«La défense de notre nation dépend en partie de la fidélité de ceux auxquels nous avons confié les secrets de notre pays», a fait valoir M. Obama, qui n'a pas voulu s'attarder sur les motivations ou les actions de M. Snowden.

«Si un individu opposé à la politique du gouvernement peut prendre (ces secrets) dans ses mains pour rendre publiques des informations classifiées, alors nous ne serons jamais capables d'assurer la sécurité de notre population ou de conduire une politique étrangère», a souligné le président américain.

Des organisations de défense de la vie privée ont pointé les insuffisances à leurs yeux de ces mesures. «Il y a encore beaucoup à faire» pour réformer la NSA, a ainsi affirmé la responsable juridique de l'Electronic Frontier Foundation (EFF), Cindy Cohn.

«Rien dans ce que le président a dit n'indique que la collecte de ces (métadonnées) va cesser», a relevé de son côté l'Association nationale des avocats pénalistes (NACDL). «Ce qui reste de ce discours est que le droit à la vie privée demeure gravement menacé», a renchéri Amnesty International.

De son côté, le fondateur du site WikiLeaks Julian Assange a estimé «qu'il est embarrassant pour un chef d'État de parler comme ça pendant 45 minutes et de ne presque rien dire». «Malheureusement, aujourd'hui nous voyons très peu de réformes concrètes», a-t-il ajouté sur CNN.

Et le sénateur du Kentucky Rand Paul, champion des libertés individuelles, a déploré une réforme à son sens de façade, où l'État peut toujours espionner les Américains. «Il ne faut pas que les Américains s'attendent à faire confiance au renard pour surveiller le poulailler», a-t-il prévenu.