L'asile accordé par la Russie à Edward Snowden plonge l'administration Obama dans l'embarras au moment où elle tente de circonscrire les tentatives du Congrès de limiter la surveillance des communications.

Malgré les mises en garde de Washington, qui avait qualifié à l'avance un tel développement de «regrettable», la Russie a accordé un asile temporaire à M. Snowden, qui a quitté jeudi l'aéroport de Moscou où il était bloqué depuis plus d'un mois et se trouve désormais dans un lieu «sûr», mais inconnu.

Cet ancien consultant du renseignement américain est inculpé d'espionnage par son pays pour ses révélations sur les opérations de surveillance massives des communications effectuées par l'Agence de sécurité nationale (NSA).

L'exécutif américain n'a pas réagi dans l'immédiat à ce nouveau développement dans une affaire qui a contribué à détériorer les relations déjà tendues entre les deux anciens ennemis de la Guerre froide.

Mais l'élu démocrate Robert Menendez, chef de la puissante commission des Affaires étrangères au Sénat, a estimé que la décision de Moscou constituait un «revers pour les relations américano-russes», et a  répété la position de Washington selon laquelle «la Russie doit expulser Snowden pour qu'il soit jugé» aux États-Unis.

Pour Steven Pifer, expert des relations américano-russes à l'institut Brookings de Washington, l'asile accordé à M. Snowden n'est évidemment «pas une bonne nouvelle» pour les relations bilatérales.

Tant que M. Snowden était à l'aéroport, «il y avait toujours la possibilité de voir les Russes l'expulser vers un pays tiers, ce qui à mon avis aurait été la meilleure solution», note cet ancien ambassadeur en Ukraine.

Spéculant sur l'éventail des mesures de rétorsion que pourraient prendre les États-Unis, M. Pifer prédit une réaction mesurée, en remarquant que le président russe Vladimir «Poutine a montré qu'il réagissait très mal aux menaces».

Depuis le début de l'affaire Snowden, la Maison-Blanche a laissé planer le doute sur le maintien d'un sommet entre MM. Poutine et Obama début septembre à Moscou, préalable au G20 prévu à Saint-Pétersbourg.

Imbroglio diplomatique, crise politique

«En raison de Snowden et de la répression politique (...) si Obama participe à un sommet bilatéral avec Poutine, il va être critiqué» aux États-Unis, prédit M. Pifer. «La vraie question est de savoir si Poutine est prêt à rendre ce sommet suffisamment fructueux pour que les résultats justifient le coût politique que le président paiera» aux États-Unis, selon lui.

L'imbroglio diplomatique se double en effet d'une crise politique: l'annonce de l'asile accordé à M. Snowden est intervenue alors que l'administration démocrate doit faire face à contestation parlementaire sans précédent contre les programmes de surveillance au Congrès.

Le 24 juillet, la Chambre des représentants a rejeté d'extrême justesse un amendement qui aurait coupé le financement de ce programme. Ce texte a fédéré aussi bien des élus du camp de M. Obama que des conservateurs, malgré les consignes de vote de l'administration démocrate et du chef républicain de l'assemblée.

Tentant de relâcher la pression, la Direction du renseignement (ODNI) a déclassifié mercredi des documents secrets sur les opérations de surveillance, au nom de la «transparence». Dans ses rares interventions publiques sur le fond de cette affaire, M. Obama a appelé à trouver un «équilibre» entre cette transparence et la sécurité nationale.

Nouvel indice de son implication dans ce dossier, M. Obama devait rencontrer jeudi après-midi «des élus du Congrès des deux partis, pour discuter de programmes cruciaux» du renseignement, selon son programme quotidien. La Maison-Blanche n'a pas révélé d'autres détails dans l'immédiat.

Les membres de l'administration «essaient de trouver une façon de protéger des programmes qui sont toujours importants à leur sens pour la sécurité nationale», estime M. Pifer, pour qui «il y a beaucoup de questions auxquelles ils vont devoir répondre s'ils veulent que le Congrès continue à soutenir ces programmes».