Sous pression depuis les révélations sur l'espionnage américain en Europe, qui ont ému les Allemands, la chancelière Angela Merkel continue imperturbablement sa course en tête dans la campagne pour les législatives du 22 septembre.

Lors de sa dernière conférence de presse vendredi à Berlin avant la pause estivale, elle a tout fait pour calmer la polémique suscitée en Allemagne par les révélations de l'ancien consultant de la NSA Edward Snowden.

«L'Allemagne n'est pas un État qui espionne ses citoyens», a-t-elle martelé. L'opposition et une partie de la presse l'avaient accusée ces derniers jours d'avoir été au courant du programme de surveillance américain Prism, de ne pas avoir protégé ses concitoyens, et d'avoir menti en affirmant avoir découvert l'affaire par les médias.

Vendredi, elle a refusé d'apporter des réponses concrètes aux interrogations des journalistes, renvoyant aux investigations en cours dont il faudra attendre les résultats.

«Je veux vous dire tout de suite et très directement que celui qui est venu ici aujourd'hui en s'attendant à ce que je présente les résultats des investigations est venu avec de mauvaises attentes», a dit la chancelière tout en promettant que Berlin continuerait de mettre la pression, s'il le faut, sur les États-Unis pour que toute la lumière soit faite sur leurs activités d'espionnage en Europe.

Selon un sondage Deutschlandtrend publié vendredi, plus des deux tiers des Allemands (69 %) sont insatisfaits de la réaction de leur gouvernement à l'affaire Prism. Mais le sujet n'a eu aucun impact jusqu'ici sur les intentions de vote, en dépit de la sensibilité des Allemands à cette question après les expériences douloureuses des dictatures nazie et communiste.

D'après ce même sondage, les conservateurs de Mme Merkel (CDU/CSU) sont crédités de 41 %, et le principal parti d'opposition, les sociaux-démocrates (SPD) de 26 %, des scores inchangés par rapport à la semaine passée.

Le parti libéral (FDP), petit partenaire des conservateurs au gouvernement, obtient également le même résultat qu'il y a sept jours: 4 %, soit en deçà du seuil nécessaire de 5 % pour entrer au parlement allemand. Quant aux Verts, alliés du SPD, ils perdent un point à 13 % et la gauche radicale, die Linke, en gagne un à 7 %.

Cependant, selon le politologue Jens Walther de l'Université de Düsseldorf (ouest), le vent pourrait tourner pour la chancelière, jusqu'ici si populaire pour sa gestion de la crise de l'euro.

«Cela peut devenir dangereux (pour elle). Car depuis trois semaines, l'opposition tire sur Merkel et les médias jouent le jeu», a-t-il remarqué, soulignant que cela n'avait jamais été le cas auparavant.

Le principal rival de Merkel, Peer Steinbrück, candidat des sociaux-démocrates à la chancellerie, qui avait très mal démarré sa campagne, a une fois de plus tiré à boulets rouges sur la chancelière vendredi. «C'était une prestation d'une ignorance effrayante», a-t-il asséné dans un entretien à la radio.

Dans un éditorial sur internet, intitulé: «Je suis la chef. Je ne sais rien», le quotidien de centre gauche Süddeutsche Zeitung, raillait également l'attitude de Mme Merkel. «Elle ne remplit pas son rôle de chef de gouvernement en ne chapeautant pas les investigations sur Prism», jugeait pour sa part un commentateur de la télévision publique ZDF.

«Elle reste passive. Elle part en vacances et n'agit pas. C'est mauvais pour son image», a encore estimé M. Walther.

Lors de sa conférence de presse vendredi, Mme Merkel, qui partira la semaine prochaine en congé dans le Tyrol du Sud pour se reposer avant la dernière ligne droite de la campagne électorale, a insisté sur ses huit ans d'expérience à la chancellerie, où chaque matin elle se trouve confrontée «à de nouveaux problèmes».

Satisfaite de son travail à la tête de la première économie européenne, elle a estimé que son gouvernement était celui qui avait enregistré «le plus de succès depuis la Réunification allemande», égrenant de bons indicateurs.