Au moins 12 personnes ont été lynchées au cours des derniers jours dans le sud-ouest d'Haïti en lien avec l'épidémie de choléra, tandis que plusieurs centaines de personnes défilaient dans la capitale Port-au-Prince pour réclamer l'annulation des élections de dimanche.

«Une douzaine de personnes accusées d'avoir importé le choléra dans la région jusque-là épargnée ont été tuées à coups de machette, de pierres et les corps ont été brûlés dans la rue», a indiqué un inspecteur de la police locale haïtienne contacté par téléphone par l'AFP.

«Le premier cas de lynchage remonte à la semaine dernière et depuis nous avons des cas tous les jours et aussi des tentatives qui échouent», a précisé Kesner Numa, procureur de Jérémie, chef-lieu du département de Grand'Anse.

«Ces personnes sont accusées de sorcellerie liée au choléra. Selon la foule, elles auraient semé une substance qui propage la maladie dans la région», a expliqué M. Numa, chargé de l'enquête.

«Il est difficile d'enquêter car la population refuse toute collaboration avec la justice parce qu'elle croit vraiment que les sorciers sont en train de tuer en profitant de l'épidémie de choléra», a-t-il ajouté.

Au moins trois personnes seraient mortes dans ces conditions à Jérémie et plusieurs autres dans des villages et localités environnantes, selon des journalistes locaux. Six personnes auraient été lynchées à Chambellan et cinq autres à Marfranc et Dame-Marie.

Selon les autorités sanitaires haïtiennes, la région de Grand'Anse, située à quelque 300 km de Port-au-Prince, est la moins touchée par l'épidémie qui a fait depuis la mi-octobre 1 817 morts dans le pays.

Les dernières statistiques publiées sur le site du ministère de la Santé, montrent que 6 décès (BIEN 6) ont été dénombrés récemment dans ce département pour une soixantaine de personnes malades.

Depuis le début de l'épidémie de choléra dans le pays, le plus pauvre des Amériques, dévasté en janvier dernier par un séisme qui a fait 250.000 morts, plus de 80 000 personnes ont été reçues dans les hôpitaux et les centres de traitement du choléra.

À Port-au-Prince, entre 2000 et 3000 personnes défilaient pacifiquement à l'appel des candidats à la présidentielle demandant l'annulation du scrutin.

Parmi les manifestants, encadrés par la police, se trouvaient certains des 18 candidats en lice pour la présidentielle qui se sont dits dès dimanche victimes de fraudes au profit du candidat du parti au pouvoir Jude Célestin, comme Charles-Henri Baker ou Jean-Henry Céant.

Dimanche, les Haïtiens ont été appelés à élire leurs députés et sénateurs ainsi qu'à désigner un successeur au président René Préval.

«Arrêtez Préval» ou «Annulez les élections», scandaient les manifestants qui comptaient se rendre devant un bureau du Conseil électoral provisoire (CEP), dont ils réclament le renvoi.

«On ne peut pas exiger de destituer une autorité légitimement élue sous prétexte d'elections qui n'ont pas abouti. Ce serait un coup d'État», a assuré l'ambassadeur de France en Haïti, Didier Le Bret, sur Radio Métropole.

Certains des candidats qui avaient réclamé l'annulation du scrutin, marqué par des incidents, se sont toutefois par la suite ralliés au processus électoral et notamment deux favoris des sondages, qui ont laissé entendre en début de semaine qu'ils allaient remporter le scrutin, Mirlande Manigat et la star de la chanson Michel Martelly.

Les résultats préliminaires des élections seront proclamés le 7 décembre.