En renouant avec ses racines haïtiennes, Fedeline Brunelus, 22 ans, tentait de fuir son pénible quotidien.

Elle avait vécu en Haïti jusqu'à l'âge de 10 ans, jusqu'à ce que sa mère la ramène avec elle à Montréal, espérant un avenir meilleur. Sa vie, toutefois, devait être marquée par la violence, la drogue et la prostitution.

Elle avait économisé pour s'acheter un billet vers Haïti. En vendant son corps. Elle se dit fière que cet argent n'a jamais servi à acheter de la drogue.

Fedeline désirait revoir son arrière-arrière-arrière grand-mère qui l'avait élevée en Haïti. À 112 ans, elle pouvait s'éteindre à tout moment.

Ce retour se voulait une renaissance, en quelque sorte. «Je voulais devenir une meilleure personne. Je savais que cela prendrait du temps... Je voulais vivre autrement».

Des membres de sa parenté sont venus la chercher à l'aéroport pour l'emmener dans sa famille à Marchand Dessalines, au nord de Port-au-Prince.

Elle était heureuse, pleine d'espoir. «Je m'apercevais que j'avais oublié mon pays, ses coutumes».

Durant le trajet, le tremblement de terre a frappé. La voiture a joué aux montagnes russes. Les occupants étaient terrifiés, mais personne n'a été blessé.

Le lendemain, toutefois, Fedeline a vu des choses qui la hanteront pour longtemps.

De retour dans son minuscule appartement de Montréal, elle parle de ses cauchemars et de ce qu'elle a vu. Des enfants morts, leurs visages et leurs petits corps blancs, recouverts de poussières de béton. D'une mère enceinte, enfouie sous les décombres. De chiens mangeant des corps. De la poussière et de la fumée de corps qui brûlent. La fin du monde.

À l'école, à Montréal-Nord, elle a fumé du pot. Puis, du crack. On l'a sortie de son milieu pour la confier à la DPJ. Où elle s'est sentie libérée. Mais cette liberté a un prix, comme vendre son corps pour survivre. Ce qu'elle fait toujours.

Durant les funérailles d'un cousin, elle s'est demandée pourquoi lui et pas elle? «Quelqu'un me donne une autre chance», murmure-t-elle.