Après le chaos, l'exode. Fuyant l'insécurité, la menace de nouvelles répliques et l'insalubrité, les Haïtiens tentent désormais par centaines de milliers de quitter Port-au-Prince.

Pour contrer ce flux, le gouvernement a annoncé l'installation de campements temporaires pour loger environ 400.000 personnes, alors que l'armée américaine tente de réparer le port de la capitale, porte d'entrée cruciale de l'aide humanitaire.

Par bus, sur des ferries bondés ou même à pied, les habitants de Port-au-Prince fuient les ruines et la peur. L'Agence américaine pour le développement international a ainsi annoncé vendredi que 200.000 personnes avaient déjà quitté la capitale ravagée, et que beaucoup d'autres tentaient également de gagner les campagnes.

D'autres essaient de s'enfuir à l'étranger, notamment aux Etats-Unis. L'ambassade américaine a refusé vendredi plusieurs centaines de personnes qui souhaitaient profiter des avions humanitaires pour rejoindre les Etats-Unis. Plusieurs centaines de citoyens américains ont reçu des laissez-passer, mais, devant l'afflux de demandes, beaucoup devront attendre avant de pourvoir les utiliser.

Pour ceux qui n'ont où aller, le gouvernement a annoncé l'installation de campements de tentes provisoires, également destinés à empêcher la propagation d'épidémies dans les camps de fortune qui ont poussé un peu partout dans les ruines de Port-au-Prince, sans eau, ni égouts ni sanitaires.

L'Organisation internationale pour les migrations (OIM), agence onusienne, a dénombré plus de 500 de ces campements spontanés, réunissant une population estimée à 472.000 personnes. Le Dr Jon Angrus, directeur adjoint de l'Organisation pan-américaines de la santé (OPAS), a lui, évoqué le chiffre d'environ un million de personnes vivant dans 600 camps de fortune.

Selon le gouvernement, le séisme du 12 janvier a fait environ 200.000 morts, et 250.000 blessés. Environ deux millions de personnes, sur une population totale de neuf millions, sont par ailleurs toujours sans-abri.

Ces nouveaux campements sont pour elles. Ils «seront installés à des endroits où les réfugiés bénéficieront au moins de quelques équipements», a expliqué à l'Associated Press Fritz Longchamp, secrétaire du président René Préval.

Mais leur installation pourrait prendre plusieurs semaines, a prévenu l'OIM. «Ces campements ne peuvent pas être construits en une nuit. Il y a des critères qui doivent être établis par des experts», a expliqué Vincent Houver, chef de la mission de l'OIM en Haïti. «Il faut égaliser la terre, se procurer et livrer les tentes, et s'occuper de l'eau et des sanitaires».

Les réfugiés qui les occuperont le feront sur une base volontaire et temporaire, a tenu à préciser Elisabeth Byrs, porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). ôôIl s'agit en premier lieu de les aider. Ensuite, les gens décideront s'ils veulent rester».

Alors que l'espoir de retrouver des survivants s'amoindrit -malgré le sauvetage vendredi d'une femme de 69 ans prisonnière des décombres depuis dix jours-, les sauveteurs étrangers concentrent désormais leur mission sur l'aide aux rescapés. Ils tentent de distribuer les tonnes de vivres amassées dans le cadre de la gigantesque opération humanitaire en place, qualifiée par la Croix-Rouge elle-même de plus importante mobilisation de son histoire.

A ce titre, l'armée américaine s'est attelée à la reconstruction du port de la capitale, élément crucial pour l'entrée de l'aide dans le pays et sa reconstruction future. Jusqu'ici, seuls quatre navires ont pu accoster sur l'unique jetée encore en état du port, poumon économique de Port-au-Prince. Les responsables militaires américains confiaient toutefois vendredi ne pas savoir quand les importantes quantités de vivres et de matériel disponibles pourraient être déchargées.

Alors que plusieurs pays ont accéléré les procédures d'adoption d'enfants haïtiens en cours, l'UNICEF, le Fonds des Nations unies pour l'enfance, a mis en garde contre l'enlèvement d'orphelins par des réseaux internationaux de trafics d'enfants. «Ces réseaux s'activent immédiatement après une catastrophe», a prévenu Jean-Claude Legrand, expert auprès de l'UNICEF. Selon M. Legrand, diverses ONG ont déjà fait état de la disparition d'une quinzaine d'enfants dans plusieurs hôpitaux haïtiens.

Avec Oxfam et la Croix-Rouge, l'UNICEF fait partie des organisations internationales auxquelles seront distribués les fonds récoltés par le téléthon organisé vendredi soir aux Etats-Unis par l'acteur George Clooney. Nombre d'autres stars participaient à l'émission, dont Madonna ou encore Bono. Vendredi, l'acteur Sean Penn, un habitué des visites sur les terrains de crise, était, lui, à Port-au-Prince, où il s'est rendu au centre de distribution de vivres de Pétionville.