La question n'avait rien d'hostile ou de condescendant: une électrice républicaine voulait donner la chance à Sarah Palin de répondre aux critiques sur son manque d'expérience en matière de politique étrangère. Aussi l'a-t-elle priée de parler des «aptitudes particulières» dont elle pourra faire usage dans ce domaine si elle est élue à la Maison-Blanche.

La réponse de la gouverneure d'Alaska mérite d'être citée au complet, car elle a peut-être contribué au déclin de ce qu'on appelle «l'effet Palin» -le spectaculaire engouement pour cette politicienne inconnue il y a un peu plus de trois semaines.

 

«Parce que je viens de l'extérieur de Washington, je pense que nos adversaires chercheront un tas de choses qu'ils peuvent critiquer, des choses qui leur permettront d'attaquer le candidat qui m'a choisie et de détruire le ticket (républicain)», a déclaré d'emblée la gouverneure Palin lors d'un meeting commun avec John McCain à Grand Rapids, au Michigan.

«Mais en ce qui concerne la politique étrangère, vous savez, je pense être prête et je sais que le 20 janvier, si nous avons le bonheur de prêter serment comme président et vice-présidente, nous serons certainement prêts. Je serai prête. J'ai cette confiance. J'ai cette préparation, et si vous voulez des politiques particulières ou des pays, allez-y. Vous pouvez me poser des colles si vous le voulez. Mais nous sommes prêts à servir.»

Sur ce, John McCain a pris la parole à son tour pour souligner que sa colistière «est commandante de la Garde nationale d'Alaska». Mais la réponse de Sarah Palin sur son expertise internationale, qui a été diffusée en boucle sur les chaînes d'information continue, n'aura impressionné personne.

Le meeting de Grand Rapids est survenu au milieu d'une semaine où le ticket McCain-Palin a été mis sur la défensive pour la première fois depuis sa formation.

Faux pas sur la crise

Lundi, au lendemain de la faillite de Lehman Brothers et du rachat de Merrill Lynch par Bank of America, le sénateur de l'Arizona a commis un faux pas en déclarant que les bases de l'économie sont solides. Il a passé le reste de la semaine à amender cette déclaration.

Sarah Palin, de son côté, a été mise sur la sellette par les grands journaux, qui ont jeté un regard critique sur sa performance en tant que mairesse de Wasilla et gouverneure de l'Alaska. Dimanche dernier, le New York Times a notamment publié un véritable réquisitoire contre la colistière de John McCain, dans lequel il l'accuse d'avoir favorisé ses amis et proches, congédié des fonctionnaires de l'État qui n'étaient pas d'accord avec elle et confondu ses problèmes privés et ses fonctions officielles.

Pour étayer son accusation de népotisme, le Times a notamment raconté l'histoire d'une ancienne camarade de classe de Sarah Palin qui s'est vu confier la direction des services de l'agriculture de l'Alaska, un poste payé 95 000$ par année. Cette amie, qui travaillait auparavant dans une agence immobilière, avait invoqué comme unique compétence pour cette fonction une passion pour les vaches qui remontait à son enfance.

Certains commentateurs conservateurs ont pour leur part commencé à émettre des doutes sur la candidature de Sarah Palin à la vice-présidence après sa première interview télévisée sur la chaîne ABC. David Brooks, du New York Times, est l'un d'eux. «Comme le président Bush, elle semble compenser son manque d'expérience par une impétuosité excessive», a-t-il écrit la semaine dernière.

Et c'est ainsi que le vent a semblé tourner au cours des derniers jours dans la course à la Maison-Blanche. Plusieurs sondages nationaux ont redonné l'avantage à Barack Obama. L'une de ces études, publiée mercredi par le New York Times et la chaîne CBS News, a même remis en question la popularité de Sarah Palin auprès des femmes blanches.

Avant les conventions des deux partis, John McCain récoltait 43% des intentions de vote de cet électorat, et son adversaire 37%. Or, Barack Obama devance désormais le candidat républicain par deux points parmi les femmes blanches, dont 21% ont changé d'opinion en une semaine en faveur du candidat démocrate.

Il va sans dire que le dernier mot n'a pas encore été dit sur l'effet Palin. La gouverneure de l'Alaska demeure très populaire au sein de la base républicaine. Et elle aura l'occasion de se faire valoir cette semaine sur la scène internationale. Elle sera en effet à New York à l'occasion de l'ouverture de l'Assemblée générale de l'ONU. Le président afghan, Hamid Karzaï, fait partie des chefs d'État qu'elle doit rencontrer.