Les dirigeants israéliens ne s'en cachent pas : tant que la puissance de feu du mouvement palestinien Hamas n'aura pas été réduite à néant, ou presque, espérer des pourparlers en vue d'une trêve des bombardements à Gaza est illusoire.

«Le gouvernement israélien ne répond pas pour le moment aux efforts de cessez-le-feu parce que nous voulons d'abord être sûrs d'avoir coupé l'envie au Hamas de recommencer dans six mois ou un an», a affirmé à la radio le ministre des Finances, Yaïr Lapid, une figure modérée au sein du gouvernement Nétanyahou.

«Ce n'est pas encore le cas. Quand ça le sera, on parlera», a ajouté M. Lapid.

Sur le terrain, le ton est donné par l'armée de l'air qui bombarde sans discontinuer la bande de Gaza, au prix de lourdes pertes humaines (plus de 170 morts, civils en majorité) pour tenter de neutraliser la capacité militaire du Hamas qui contrôle ce territoire depuis 2007.

Certes «Tsahal (acronyme de l'armée en hébreu) a frappé fort à Gaza, mais n'a pas tapé assez fort sur la branche armée du Hamas», estime l'ex-chef des renseignements militaires Amos Yadlin, qui chiffre à environ 50 le nombre des tués dans les rangs du mouvement islamiste.

«On se dirige vers une autre étape : l'armée va s'efforcer de faire payer un lourd tribut au bras militaire du Hamas afin de consolider notre position en cas de négociations de cessez-le-feu et notre pouvoir de dissuasion. Elle va aussi faire en sorte d'annihiler la capacité du Hamas à sortir renforcé de l'opération», explique Amos Yadlin.

Cette stratégie a d'ailleurs commencé à être élaborée dès après la dernière guerre à Gaza en novembre 2012. Selon un haut gradé en activité, Israël a établi depuis une liste des cibles les plus importantes du mouvement islamiste, surnommée la «pain map» («la carte de la douleur», sic).

«Cela va permettre d'entraver ses capacités et le forcer à entrer, pendant le plus longtemps possible, dans un cycle compliqué de reconstruction», souligne ce général sous couvert d'anonymat.

«Plus on tapera fort, plus ce processus (de reconstruction) sera long et difficile et plus efficace sera la dissuasion», conclut-il, citant à titre de priorité la destruction des ateliers de fabrication des roquettes.

Pour Amos Yadlin, le Hamas est d'ores et déjà très affaibli, mais «si le but est de briser sa capacité à rebondir alors il n'y a aucun doute que la campagne doit continuer».

Pas d'empressement à envahir Gaza

Israël semble aussi conforté dans sa position par le refus du Hamas de négocier tant que les raids israéliens se poursuivent. Le Hamas exige la levée du blocus de Gaza, en place depuis 2006, et la libération de centaines de prisonniers palestiniens relâchés en 2011 en échange du soldat israélien Gilad Shalit mais arrêtés à nouveau depuis.

D'autre part, l'Égypte, habituelle médiatrice dans les conflits entre le Hamas et Israël, a jusqu'à présent fait profil bas dans cette nouvelle crise, se contentant d'appeler les deux parties à cesser les violences.

La donne a en effet changé depuis 2012. À l'époque, l'islamiste Mohamed Morsi, proche du Hamas, était au pouvoir. Aujourd'hui, l'ancien chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi a évincé M. Morsi et a été élu président. Le Hamas, comme les Frères musulmans dont est issu M. Morsi, ont été interdits.

«Ajourd'hui, les Egyptiens sont là, mais ils se montrent réticents à jouer un rôle pratique», relève l'ancien négociateur de paix israélien Michael Herzog.

Un responsable israélien au courant du dossier a confirmé à l'AFP que les efforts égyptiens étaient «piètres».

Mais en dépit de ses discours belliqueux, Israël n'a pas lancé l'opération terrestre évoquée depuis le début de son attaque aérienne.

Si pour la première fois un commando de marine israélien a débarqué dans la nuit de samedi à l'intérieur de la bande de Gaza, l'incursion s'est révélée ponctuelle.

«Malgré les convois de chars partant vers le Sud (Gaza : NDLR) et les brigades d'infanterie massées à la frontière avec Gaza, il est évident qu'Israël n'est pas pressé de lancer la phase terrestre de l'opération», constatait dimanche le quotidien de gauche Haaretz.

Car intervenir sur le terrain serait sûrement coûteux pour Tsahal.

En dehors des pertes humaines, la possible capture de soldats donnerait des cauchemars à Israël, traumatisé par la détention pendant cinq ans de Gilad Shalit et les interminables tractations qui avaient abouti à la libération de 1000 détenus palestiniens.

177 morts en 7 jours d'offensive israélienne

Les raids aériens israéliens dans la bande de Gaza ont fait 177 morts et 1280 blessés en sept jours, selon les services de secours, tandis qu'un responsable de l'ONU a affirmé qu'un quart des victimes étaient des enfants.

Lundi, cinq Palestiniens ont péri dans des frappes et deux autres personnes - un homme et une femme - ont succombé à des blessures subies dimanche.

Un adolescent de 17 ans a été tué par un missile alors qu'il circulait à mobylette dans la ville de Khan Younès, dans le sud de l'enclave palestinienne, a annoncé le porte-parole des services des urgences, Ashraf al-Qoudra.

Dans le même secteur, un homme de 37 ans a trouvé la mort quand un missile s'est abattu sur un groupe d'hommes.

Un homme de 60 ans a été tué dans une frappe contre une maison à Deir al-Balah (centre), et deux autres personnes ont péri dans des frappes distinctes dans l'enclave palestinienne.

Le Centre palestinien pour les droits de l'Homme (PCHR), basé à Gaza, a annoncé dimanche que plus des trois-quarts des victimes étaient des civils.

L'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a pour sa part souligné la forte proportion de mineurs parmi ces victimes.

«Toutes les indications montrent, et je trouve cela particulièrement dramatique, que les femmes et les enfants représentent un nombre assez considérable des victimes des frappes actuelles. Actuellement, plus d'un quart des morts sont des enfants», a déclaré lundi le commissaire général de l'UNRWA, Pierre Krahenbuhl.

Depuis le début mardi de l'opération israélienne, qui vise à détruire les capacités de tirs du Hamas, trois Israéliens ont été grièvement blessés par des tirs de roquettes, mais aucun Israélien tué.

Ce conflit est le plus meurtrier depuis l'offensive de novembre 2012, qui visait déjà à faire cesser les tirs de roquettes de Gaza: 177 Palestiniens et six Israéliens avaient péri en une semaine.