Après les bombes, les troupes et les chars d'assaut. Au terme d'une semaine de raids aériens, l'armée israélienne a porté la guerre au sol, hier. Des soldats et des blindés ont traversé la frontière de Gaza, marquant une nouvelle escalade dans le conflit qui oppose l'État hébreu aux islamistes du Hamas.

C'est à la tombée de la nuit, après des heures de pilonnage d'artillerie, que l'infanterie et les chars ont pénétré dans la bande de Gaza, où ils ont été accueillis par des mortiers du Hamas. Ils ont ouvert le feu sur les positions du groupe dans le nord du territoire et bombardé un dépôt de carburant, ce qui a provoqué un important incendie.Pendant ce temps, des chasseurs ont continué de faire pleuvoir des bombes sur le minuscule territoire, où s'entassent 1,5 million d'habitants.

«Il y a des bombardements, des raids partout, a raconté El Sayed Nasser, professeur de français que La Presse a pu joindre dans la ville de Gaza. Il y a 20 minutes, ils ont bombardé un bâtiment qui est juste à côté de chez nous. Mes enfants dormaient; ils se sont tous réveillés en sursaut.»

Au bout du fil, on pouvait entendre les pleurs des gamins. Une trentaine de membres de sa famille se sont entassés dans sa petite maison du centre-ville, jusqu'ici relativement épargné par l'offensive israélienne. L'électricité est coupée, tout comme le gaz et l'eau courante. M. Nasser reste cloîtré chez lui depuis une semaine et ne sort qu'entre 15h et 16h pour aller chercher des vivres.

L'invasion terrestre menée par l'armée israélienne inquiète au plus haut point l'homme de 40 ans. Selon des sources médicales palestiniennes, au moins 466 personnes sont mortes depuis le début des bombardements, samedi dernier, dont 77 enfants et 23 femmes. M. Nasser craint que le bilan ne s'alourdisse encore.

«J'ai déjà peur, a-t-il confié. Avant, il n'y avait que des avions. Maintenant, il y a des avions, des soldats et des chars qui tirent tous en même temps.»

Des dizaines de «terroristes» ont été tués dans les affrontements, a dit un responsable militaire israélien, précisant qu'il n'y avait «aucune perte» dans ses rangs. La section armée du Hamas a quant à elle affirmé avoir tué neuf soldats israéliens. Mais aucune confirmation officielle n'est venue corroborer ces affirmations.

Des civils tués

Israël avait massé des soldats le long de la frontière de Gaza depuis quatre jours. Mais le gouvernement hésitait à y engager ses forces terrestres, craignant de lourdes pertes, tant dans ses rangs que chez les Palestiniens. L'assaut d'hier soir a d'ailleurs déjà fait des victimes chez les civils.

Le bombardement d'une mosquée à Beit Lahiya a tué 13 personnes et en a blessé 60 autres à l'heure de la prière. Un enfant palestinien a été tué et 11 autres ont été blessés par un tir d'obus dans la ville de Gaza, non loin de chez M. Nasser.

Jointe à Beit Hannoun, dans le nord-est de la bande de Gaza, Ewa Jasiewicz, militante des droits de l'homme, a passé la journée d'hier au volant d'une ambulance. Elle prête main-forte aux équipes paramédicales palestiniennes, qui sont submergées par l'afflux massif de blessés.

La militante se dit outrée par l'action des troupes israéliennes. «La façon dont l'armée a procédé depuis le début des opérations est une illustration terrifiante de la tactique qu'elle entend utiliser, a-t-elle dénoncé lors d'un bref entretien téléphonique. Je crains que les services essentiels et le personnel médical ne soient visés par les raids dans les prochains jours.»

Tout indique que cette nouvelle offensive militaire durera plusieurs jours. La campagne «ne sera ni facile ni courte», a prévenu le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, dans une allocution télévisée.

Le gouvernement martèle que les tirs de roquettes du Hamas sèment la terreur dans sa population. Ces attaques, menées depuis Gaza, ont tué quatre Israéliens depuis une semaine. L'invasion terrestre est présentée comme le seul moyen de «détruire l'infrastructure terroriste» du Hamas.

De leur côté, les islamistes jurent de combattre l'armée israélienne «jusqu'à leur dernier souffle». «Votre entrée à Gaza ne sera pas une promenade de santé et Gaza sera votre cimetière avec l'aide de Dieu», a menacé le porte-parole du groupe, Ismaïl Radwane, à la télévision du Hamas. Le groupe menace aussi d'enlever des soldats israéliens.

Cessez-le-feu réclamé

La communauté internationale n'a pas tardé à réagir. Après s'être entretenu avec le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a exigé la fin immédiate de l'offensive terrestre. Craignant de lourdes pertes civiles, il a sommé Israël de faire son possible pour protéger la population palestinienne et acheminer de l'aide humanitaire. Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en soirée pour discuter de la situation.

Même si les États-Unis ont donné leur accord tacite à l'invasion terrestre de Gaza, un porte-parole du département d'État a dit souhaiter un cessez-le-feu «le plus vite possible». Il a toutefois précisé ne pas vouloir un retour au «statu quo», qui permettait au Hamas de bombarder Israël.

La France a pour sa part réagi fermement à l'offensive israélienne, qu'elle a qualifiée d'«escalade militaire dangereuse» qui compromet les efforts de paix déployés par l'Union européenne. Le président Nicolas Sarkozy se rendra au Moyen-Orient demain dans l'espoir d'accélérer les pourparlers de paix.

Avec AFP, AP, The New York Times et CNN