L'Union européenne a suspendu lundi une série de sanctions économiques contre l'Iran après le gel par Téhéran de ses activités nucléaires sensibles pour six mois dans le cadre d'un accord intérimaire, première étape vers la négociation d'un compromis global.

À la mi-journée, l'Iran a annoncé avoir stoppé l'enrichissement d'uranium à 20 % sur les sites de Natanz et Fordo, commencé à transformer son stock de 196 kg d'uranium à 20 %, et stoppé ses activités sur le réacteur à eau lourde d'Arak. Ces mesures entrent dans le cadre de l'accord conclu à Genève le 24 novembre entre Téhéran et les pays du groupe 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royauem-Uni, Russie et Allemagne). Des inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) étaient présents sur les sites pour surveiller les opérations.

L'agence onusienne basée à Vienne a confirmé les mesures prises par Téhéran. «Tout est en ordre, toutes les exigences ont été remplies», a indiqué un diplomate à l'AFP. «C'est prometteur, mais il reste encore beaucoup à faire» durant six mois, a nuancé un autre.

Quelques heures plus tard, le Conseil de l'Union européenne, qui représente les gouvernements de l'UE, a annoncé sur son compte Twitter qu'il avait «suspendu certaines sanctions de l'UE contre l'Iran, avec l'entrée en vigueur du plan d'action» convenu avec l'Iran.

Ce plan d'action doit durer six mois, période pendant laquelle doivent débuter des négociations sur un accord global afin de mettre fin à dix années de bras de fer entre l'Iran et les grandes puissances à propos du programme nucléaire de Téhéran.

Les États-Unis devaient également annoncer la levée de certaines sanctions unilatérales, notamment celles visant l'industrie automobile.

Le secrétaire d'État John Kerry a salué lundi le gel des activités nucléaires de l'Iran et approuvé, comme prévu, un assouplissement des sanctions des États-Unis à l'encontre de Téhéran, a indiqué une responsable américaine.

«L'Iran a commencé à prendre des mesures concrètes et vérifiables pour cesser son programme nucléaire», a souligné la porte-parole du département d'État Jennifer Psaki. Il s'agit d'une «occasion sans précédent» de réduire les inquiétudes internationales, a-t-elle ajouté, précisant que M. Kerry avait immédiatement levé une partie des sanctions américaines contre l'Iran.

L'enrichissement, effectué à l'aide de centrifugeuses, est au centre des inquiétudes de la communauté internationale, car un uranium hautement enrichi peut servir à la fabrication d'une bombe atomique, même si la République islamique a toujours nié vouloir se doter d'un arsenal nucléaire.

L'Iran s'est engagé à limiter l'enrichissement d'uranium à 5 %, transformer son stock d'uranium à 20 %, geler à leur niveau actuel ses activités à Natanz, Fordo et Arak, et à mettre un terme à l'installation de nouvelles centrifugeuses dans ces sites.

En échange, les six puissances vont lever, sur six mois, une partie de leurs sanctions équivalent à près de 7 milliards de dollars.

Cela inclut notamment la levée des restrictions sur les exportations pétrochimiques, le commerce de l'or, le maintien des exportations de pétrole à leur niveau actuel, la levée des sanctions contre l'industrie automobile et le déblocage graduel de 4,2 milliards de dollars des avoirs iraniens gelés dans le monde.

La partie émergée de l'iceberg

L'essentiel des sanctions, maintenu pour le moment, va toutefois priver l'Iran de 30 milliards de dollars de revenus provenant du pétrole pendant les six mois, tandis que la plupart des avoirs iraniens à l'étranger (près de 100 milliards de dollars) resteront gelés, a souligné la Maison-Blanche.

Pour pouvoir accéder à ces fonds, et pour une levée totale des sanctions, Téhéran devra accepter des restrictions plus importantes et permanentes de ses activités nucléaires.

Selon Mark Fitzpatrick, ancien responsable au Département d'État américain et désormais analyste à l'Institut international d'études stratégiques (IISS), les grandes puissances voudront une réduction drastique du nombre de centrifugeuses à 3000 ou 4000, contre 19 000 actuellement.

Elles devraient également demander l'arrêt définitif de Fordo, des modifications du réacteur d'Arak pour qu'il ne puisse pas produire du plutonium utilisé pour une bombe nucléaire, et la réduction du stock d'uranium enrichi jusqu'à 5 % de sorte qu'il soit insuffisant à la fabrication d'une bombe.

L'aile dure du régime iranien, qui voit dans le programme nucléaire une source de fierté nationale, a critiqué les premières mesures prises lundi. Le quotidien conservateur Vatan-Emrouz dénonçait un «Holocauste nucléaire dans lequel la majorité des activités nucléaires de l'Iran seront stoppées».

Mohammad Amiri, directeur général chargé des garanties au sein de l'Organisation iranienne de l'énergie nucléaire, a également prévenu que l'Iran reprendrait son programme d'enrichissement si «l'autre partie ne respecte pas sa part de l'accord».

Aux États-Unis, le président américain Barack Obama tente de persuader les élus américains de ne pas voter de nouvelles sanctions qui entreraient en vigueur si les négociations échouaient.

L'Iran progresse toujours vers l'arme nucléaire, prévient Nétanyahou

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a affirmé que l'accord de Genève sur le nucléaire iranien, entré en vigueur lundi, n'empêcherait pas Téhéran d'accéder à l'arme atomique.

«L'accord entré en vigueur aujourd'hui n'empêche pas l'Iran de se doter de l'arme nucléaire», a-t-il déclaré lors d'un discours à la Knesset (Parlement), réunie en séance extraordinaire en l'honneur du premier ministre canadien Stephen Harper, en visite en Israël et dans les Territoires palestiniens.

Comparant les ambitions nucléaires militaires prêtées à l'Iran à un train roulant à toute vitesse, M. Nétanyahou a exigé de la communauté internationale qu'elle fasse «dérailler ce train».

«La communauté internationale doit empêcher l'Iran d'accéder à l'arme nucléaire», a-t-il insisté, invoquant «la menace sur la paix, la stabilité et la sécurité dans la région».