L'accord entre les grandes puissances et l'Iran sur son programme nucléaire peut très bien capoter, a prévenu mardi le secrétaire d'État John Kerry, au moment où des élus faucons du Congrès préparent de nouvelles sanctions contre Téhéran.

Le patron de la diplomatie américaine a passé son après-midi à défendre devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants le «plan d'action» scellé le 24 novembre à Genève entre Téhéran et le groupe P5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne).

Cet accord transitoire, ou «premier pas» selon M. Kerry, vise à contenir le programme nucléaire civil de Téhéran, soupçonné par les grandes puissances et Israël de dissimuler un volet militaire. En échange, Téhéran a obtenu un allègement «limité» de certaines sanctions et l'administration américaine s'est engagée à ne pas en prendre davantage.

Mais au moment où le P5+1 cherche à boucler dans six mois un accord complet sur ce dossier du nucléaire, le secrétaire d'État s'est interrogé à haute voix sur la volonté et la sincérité des Iraniens.

«Je suis revenu de nos négociations préliminaires avec de sérieuses questions: sont-ils prêts ou non et veulent-ils ou non faire des choix qui s'imposent?», s'est demandé M. Kerry devant des parlementaires en majorité républicains, qui l'ont accusé d'être «naïf» voire de «ramper» devant Téhéran.

«L'Iran a-t-il changé son calcul sur le nucléaire?», a poursuivi le chef de la diplomatie américaine: «Honnêtement, je ne pense pas que l'on puisse le dire de manière certaine pour l'instant et nous ne prenons certainement pas des déclarations pour argent comptant», a-t-il lui-même répondu.

«Nous avons tous le droit d'être sceptiques»

Affichant jusqu'ici son optimisme quant à une possible solution diplomatique avec l'Iran, M. Kerry a souligné mardi qu'«au vu des précédents historiques de mensonges à la communauté internationale sur leur programme nucléaire (...) nous avons tous le droit d'être sceptiques face à des gens prêts ou non à faire des choix difficiles».

Les États-Unis et l'Iran ont rompu leurs relations diplomatiques en avril 1980 dans la foulée de la Révolution islamique de 1979 et la méfiance reste forte entre les deux ennemis. Et ce, en dépit d'un appel téléphonique historique fin septembre entre les présidents Barack Obama et Hassan Rohani et des tractations secrètes bilatérales sur le nucléaire tenues pendant au moins six mois avant l'accord de Genève.

«Il ne faut pas leur accorder le bénéfice du doute», a affirmé M. Kerry, mais les États-Unis ont «maintenant la meilleure des occasions pour mettre au banc d'essai cette proposition (des Iraniens), sans rien perdre» au change.

Et il a une nouvelle fois exhorté les représentants américains à ne pas voter de sanctions supplémentaires, afin de laisser sa chance à la diplomatie.

«Je ne dis pas "jamais" (...) je dis simplement +pas maintenant+. Si cela ne marche pas, nous reviendrons devant vous et vous en demanderons davantage», a insisté le ministre, martelant que l'essentiel des mesures punitives soigneusement élaboré par le Congrès ces dernières années restait en vigueur.

Mais au Sénat, des élus faucons, dont le démocrate Robert Menendez et le républicain Mark Kirk, ont l'intention de déposer cette semaine un projet de loi pour renforcer les sanctions actuelles, en resserrant l'étau sur les exportations de pétrole iranien. Ce vote n'est toutefois pas programmé et pourrait n'avoir lieu qu'en janvier.

Le sénateur républicain John McCain, qui veut lui aussi maintenir la pression sur l'Iran, a dit compter sur «un accord» avec ses pairs «dans un jour ou deux», démentant que de nouvelles sanctions mettent en péril le compromis provisoire trouvé à Genève.

Son ami John Kerry lui a répondu que le monde était «à un point charnière de son Histoire»: une voie pourrait conduire à une solution diplomatique au casse-tête du nucléaire iranien, l'autre pourrait mener tout droit à un conflit, a réaffirmé en substance le secrétaire d'État.