Le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a exprimé lundi sa lassitude sur le dossier nucléaire iranien, évoquant un dialogue qui «tourne en rond» et accusé Téhéran d'avoir enlevé toute trace compromettante d'un site suspect.

«Malgré un dialogue intensifié entre l'agence et l'Iran depuis janvier 2012, et après dix rounds de discussions, aucun accord n'a été atteint sur un document d'approche structurée», a déclaré le directeur général de l'institution Yukiya Amano, dans son discours aux délégations des 35 pays membres du conseil des gouverneurs, réunis à huis clos pour une semaine à Vienne.

«Pour être franc, nous avons tourné en rond depuis quelque temps. Ce n'est pas la bonne manière d'aborder des questions d'une si grande importance pour la communauté internationale, y compris pour l'Iran», a regretté M. Amano.

L'AIEA veut un accès plus large à des sites, individus et documents afin de pouvoir répondre à tous les points soulevés dans son très critique rapport de novembre 2011.

Elle avait dressé des éléments présentés comme crédibles indiquant que l'Iran avait travaillé à la mise au point de l'arme atomique avant 2003 et peut-être ensuite, ce que le pays dément formellement. «Nous avons besoin sans délai supplémentaire de résultats concrets», a insisté le chef de l'AIEA. L'agence demande en particulier depuis plus d'un an, en vain, d'accéder au site militaire de Parchin, près de Téhéran, où elle soupçonne le pays d'avoir procédé à des tests d'explosion conventionnelle applicable au nucléaire.

Depuis plusieurs mois, elle soupçonne aussi les autorités, sur la base d'image satellite, d'effacer toute trace suspecte sur les lieux. Pour la première fois, M. Amano a estimé lundi qu'un voyage de ses inspecteurs sur place pourrait ne plus servir à rien. «Il ne sera peut-être plus possible de détecter quoi que ce soit, même si nous avons accès au site de Parchin», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse, en référence aux «vastes activités» observées sur les lieux, tels que des déplacements de terre, des goudronnages ou des démantèlements d'infrastructures. «Cependant, je pense toujours qu'il est nécessaire pour nous d'avoir accès au site parce qu'on peut apprendre beaucoup» en le visitant, a-t-il assuré.

L'Iran avait qualifié le rapport de novembre 2011 de «falsifié» et «politisé». Plusieurs éléments listés dans le document proviennent de services de renseignement de pays membres, notamment de la CIA américaine. La dernière rencontre entre l'Iran et l'AIEA avait eu lieu à la mi-mai à Vienne.

Aucune date n'avait été fixée pour un prochain rendez-vous. M. Amano a par ailleurs de nouveau reproché globalement à la République islamique un manque de coopération avec l'agence, qui après une décennie d'enquête sur le pays, est en conséquence «dans l'incapacité de conclure que tous les matériaux nucléaires en Iran ont un usage pacifique». Il a évoqué le manque d'information concernant les projets de réacteurs à eau lourde, notamment à Arak, avec lequel l'Iran pourrait, craignent les Occidentaux, produire du plutonium utilisable à des fins militaires. L'Iran est soupçonné de vouloir se doter de l'arme atomique sous couvert d'un programme nucléaire civil, ce qu'il nie catégoriquement.

Le pays est sous le coup de plusieurs séries de sanctions de l'ONU, aggravées par un embargo financier et pétrolier des États-Unis et de l'Union européenne qui pénalise durement son économie. Mais il continue de développer son programme nucléaire, notamment l'enrichissement, un droit qu'il revendique en tant que signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Même si le pays enrichit jusqu'à 5 % pour produire de l'électricité et jusqu'à 20 % pour la recherche médicale, les Occidentaux et Israël redoutent qu'il veuille pousser l'enrichissement à un niveau nécessaire pour fabriquer l'arme nucléaire (90 %).

Malgré les inquiétudes, il est improbable que le conseil sanctionne de nouveau l'Iran dans une résolution cette semaine, selon des sources diplomatiques, alors que les discussions avec l'AIEA, mais aussi avec les grandes puissances sont gelées dans l'attente des élections présidentielles en Iran, prévues le 14 juin.