Une force arabo-kurde ratissait jeudi la région de Tabqa en Syrie après avoir chassé les djihadistes du groupe État islamique (EI) de ce verrou sur la route de Raqa, leur principal bastion dans le pays en guerre.

La conquête de Tabqa, après des semaines de combats, est l'une des plus importantes victoires des Forces démocratiques syriennes (FDS), l'alliance arabo-kurde soutenue par Washington qui combat depuis 2015 l'organisation djihadiste la plus redoutée au monde.

Outre la ville située à 55 km au sud-ouest de Raqa, les FDS se sont emparées mercredi du barrage de Tabqa, le plus grand de Syrie.

«Les opérations de ratissage se poursuivent» pour nettoyer totalement la ville, a dit l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). «Mais les civils n'arrivent toujours pas à avoir accès à certains secteurs en raison des mines» disséminées par l'EI.

Le commandement des forces américaines au Moyen-Orient (Centcom) s'est félicité dans un communiqué de la «libération» de Tabqa, menée avec le soutien aérien de la coalition internationale dirigée par les États-Unis.

Les derniers djihadistes dans la ville et au barrage ont remis leur fief aux FDS avant de prendre la fuite et d'être bombardés par la coalition, a précisé le Centcom. Les djihadistes avaient auparavant été contraints à «démanteler les explosifs» autour du barrage et remettre leurs «armes lourdes».

Mardi et pour la première fois, les États-Unis ont annoncé publiquement leur intention de fournir des armes à la composante kurde des FDS, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), au grand dam de l'allié turc qui considère les YPG comme un groupe «terroriste».

Près du barrage de Tabqa, des combattants des FDS distribuaient bonbons et douceurs pour célébrer la prise de la ville, selon un correspondant de l'AFP sur place.

Déminage

Plus loin, une explosion retentit. Des combattants des FDS expliquent à l'AFP que des explosifs ont été plantés aux abords du barrage, où des équipes ont commencé les opérations de déminage.

Les YPG ont diffusé une vidéo montrant des combattants et des enfants dansant la dabké, danse traditionnelle au Moyen-Orient, à Tabqa. Sur une autre vidéo, des enfants scandent avec enthousiasme devant la caméra «le barrage a été libéré!»

Après des craintes d'importantes inondations si le barrage venait à céder et la fuite des techniciens lors des combats, une équipe de maintenance attendait l'autorisation des FDS pour y entrer.

Située sur le fleuve Euphrate, Tabqa est une importante ligne de défense pour Raqa, «capitale» de facto de l'EI en Syrie.

Depuis le lancement en novembre de leur vaste offensive pour reprendre Raqa, les FDS ont pu, avec le soutien aérien américain, s'emparer de larges zones dans la province du même nom. Elles ont également réussi à couper les principales voies autour de la ville.

Au plus près, les FDS sont désormais positionnées à 8 km de la ville de Raqa, aux mains de l'EI depuis 2014.

L'alliance arabo-kurde bénéficie en outre de l'aide de conseillers américains ainsi que des canons des Marines. 

«Battre le fer»

Les FDS sont dominées par les YPG, principal allié des Américains dans la lutte anti-EI en Syrie.

Ankara en revanche considère les YPG comme la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, mouvement séparatiste turc). Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui rencontrera M. Trump le 16 mai, a appelé Washington à «revenir sans délai» sur sa décision d'armer les YPG.

Depuis le début de la guerre en Syrie en mars 2011, les forces kurdes ont pris leur distance par rapport au régime et aux rebelles, créant leur administration semi-autonome dans le nord et le nord-est et se posant comme le fer de lance de la lutte anti-EI.

Cette guerre complexe aux multiples acteurs et alliances a fait 320 000 morts et des millions de déplacés.

Alors que toutes les tentatives de mettre fin au conflit ont échoué jusqu'à présent, la Russie et l'Iran, alliés du régime de Bachar al-Assad, et la Turquie, soutien de la rébellion, ont conclu le 4 mai un accord sur des «zones de désescalade» en Syrie avec l'objectif de faire cesser les violences.

Cet accord qui a suscité les réserves des Occidentaux doit être en principe discuté la semaine prochaine au Conseil de sécurité de l'ONU.

L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a indiqué que cet accord avait créé un élan et qu'il «voulait battre le fer tant qu'il est chaud (...)», en évoquant les discussions de Genève prévues du 16 au 19 mai.