L'inquiétude grandissait sur le sort de plus d'un million de civils pris au piège à Mossoul, où les djihadistes se préparent à affronter les forces irakiennes désormais positionnées à la périphérie est de leur bastion.

Le crépitement des armes automatiques se faisait entendre à Gogjali, aux portes de Mossoul, où l'unité d'élite du contre-terrorisme (CTS) consolidaient ses positions, a constaté une journaliste de l'AFP.

Les opérations ont cependant été limitées par les vents de sable balayant les environs de Mossoul, au coeur de la vaste plaine de Ninive. Aucun signe d'une poussée à l'intérieur de la grande ville n'a été remarqué, au lendemain de l'annonce, par l'armée, d'une première incursion dans un quartier de l'est.

Dans la zone déjà conquise de Gogjali, un soldat irakien brandissait un drapeau noir de l'EI. «On l'a enlevé pour planter le drapeau irakien à la place», explique Mohammed Ali.

Des habitants sont ressortis dans la rue après s'être calfeutrés chez eux durant les combats. Ne cachant pas leur joie, des hommes se rasent en public la longue barbe que les djihadistes les obligeaient à laisser pousser.

Un adolescent, en chemise cintrée et pantalon, avoue ne pas avoir porté de tels vêtements depuis l'entrée des hommes du «califat» dans Gogjali.

«Je suis heureuse qu'ils soient partis», affirme Slikha Slimane, une mère de neuf enfants. «Cela fait longtemps que je prie pour qu'on puisse obtenir notre vengeance après ce qu'ils nous ont fait. La mort était vraiment partout».

«On ne réalise pas encore ce qui nous arrive. On sort de la prison à ciel ouvert où on vivait», se réjouit à son tour Abou Ahmed. 

Boucliers humains

Mais à quelques kilomètres de Gogjali, l'incertitude demeure pour les habitants de Mossoul, qui compterait 600 000 enfants selon l'ONG Save The Children.

«Nous nous préparons à présent pour le pire. Les vies de 1,2 million de civils sont en grand danger», s'est alarmé le directeur pour l'Irak du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), une des ONG les plus actives dans ce pays.

«Les habitants ont pendant près de deux ans et demi vécu un cauchemar terrifiant et ininterrompu. Nous avons tous à présent la responsabilité de mettre un terme à cela», a ajouté Wolfgang Gressmann.

Le NRC comme d'autres ONG demandent l'ouverture de couloirs humanitaires pour que les habitants puissent quitter la ville et rejoindre les quelques camps ouverts dans la région.

Quelque 20 000 personnes ont déjà été déplacées depuis le début des opérations sur Mossoul, selon l'Organisation internationale pour les migrations.

L'ONU a exprimé ses «sérieuses inquiétudes» quant au sort de dizaines de milliers de civils que l'EI aurait emmenés pour possiblement les utiliser comme boucliers humains.

Un habitant de l'est de Mossoul a ainsi relaté que des djihadistes avaient «demandé que les gens, surtout les jeunes, se réunissent autour des écoles, avec leurs papiers d'identité». Mais la plupart «ont refusé d'obéir à ces ordres» par crainte de devenir des boucliers humains, précise Abou Yunes à l'AFP.

L'EI «prêt» à se défendre 

Le Haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme avait indiqué mardi que les djihadistes auraient tenté de transporter dans des camions et autocars «quelque 25 000 civils» de la localité de Hamam al-Alil pour les rapprocher de la métropole.

La plupart des responsables tablent sur une difficile bataille car l'EI a eu deux ans pour se préparer à défendre Mossoul et les quelque 4000 à 7000 djihadistes présents dans la zone (dont 3.000 à 5.000 dans Mossoul) ont déjà prouvé qu'ils vendront chèrement leur peau face aux dizaines de milliers de membres des forces irakiennes.

Depuis le 17 octobre, les forces irakiennes ont déjà eu à faire face à de nombreux attentats suicide, engins piégés et tirs de mortiers.

Mardi, les forces irakiennes ont d'ailleurs pu déjouer un attentat suicide grâce à un émetteur radio pris aux djihadistes.

«J'ai laissé (les kamikazes) derrière la butte de terre. Dès qu'elles (les forces irakiennes) avancent, ils (les kamikazes) sortiront à leur rencontre», a dit un djihadiste sur les ondes, dans une conversation entendue par un journaliste de l'AFP présent avec l'armée.

Un officier a alors ordonné à deux véhicules militaires de s'approcher pour faire sortir ces candidats au suicide de leur cachette puis de rebrousser chemin pour les laisser exposés à une attaque. Une frappe aérienne a ensuite scellé leur sort.