La France et la Grande-Bretagne ont affiché lundi leur détermination à combattre le groupe État islamique, qui les a une nouvelle fois menacées dans une vidéo sanglante et prépare des «attaques d'ampleur» à travers l'Europe, selon l'organisme Europol.

Dans une mise en scène particulièrement violente et au titre explicite («Tuez-les où que vous les rencontriez»), la vidéo montre les auteurs des attentats de novembre à Paris - quatre Belges, trois Français et deux Irakiens présumés - décapitant ou tuant par balles des otages.

S'exprimant en français ou en arabe, plusieurs d'entre eux apostrophent les pays de la coalition anti-EI, à commencer par la France et la Grande-Bretagne. Le président français François Hollande et son premier ministre Manuel Valls apparaissent ainsi la tête visée par une cible, tout comme le premier ministre britannique David Cameron.

«Rien ne nous effraiera, aucune menace ne fera douter la France sur ce qu'elle a à faire dans le combat contre le terrorisme», a répliqué M. Hollande, en visite d'État en Inde. «Nous ne nous laisserons jamais impressionner», a-t-il martelé.

Avec 38 chasseurs-bombardiers stationnés dans la région, notamment sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, l'armée française participe activement à la campagne de frappes aériennes contre l'EI en Irak et Syrie.

Tout aussi remonté, David Cameron a qualifié, via un porte-parole, cette vidéo de nouvelle opération de «propagande» menée par «un groupe terroriste (...) sur le déclin et qui bat en retraite».

L'EI subit depuis plusieurs mois une forte pression militaire et cherche du même coup, selon experts et responsables militaires occidentaux, à projeter une image de toute-puissance afin de préserver sa capacité de recrutement.

Même affaiblie militairement, l'organisation s'est aussi dotée d'une «capacité de combat pour effectuer une campagne d'attaques d'ampleur», a averti lundi le directeur d'Europol (Office européen de police), Rob Wainwright.

Les analystes d'Europol sont convaincus que l'EI «prépare de nouvelles attaques (...) dans des États membres de l'UE, et en particulier en France», selon un rapport présenté par M. Wainwright à Amsterdam.

«Les experts nationaux sont d'accord sur le fait que le soi-disant État islamique a la volonté et la capacité de conduire de nouvelles attaques en Europe», a souligné M. Wainwright. «Les attaques viseront en priorité les cibles molles (la société civile: NDLR), en raison de l'impact que cela génère», précise ce rapport qui décrit «un changement de stratégie de l'EI qui veut agir globalement».

Le rapport est le fruit d'un séminaire entre experts des 28 États membres de l'Union européenne organisé trois semaines après les attentats de Paris (130 morts) le 13 novembre dernier.

Il signale un «changement dans le mode opératoire» de l'organisation djihadiste implantée en Syrie et en Irak, désormais capable de réaliser «quand elle le souhaite», partout dans le monde, des «séries d'attaques complexes et bien coordonnées» grâce à des combattants locaux connaissant bien le terrain.

«Il semblerait que les commandants de l'EI ont une liberté tactique quand ils choisissent leurs cibles, afin d'adapter leurs projets à des circonstances locales spécifiques, ce qui rend encore plus difficiles pour les forces de l'ordre la détection de tels projets et l'identification des personnes impliquées à un stade précoce», observe le rapport.

Le Centre européen de contre-terrorisme, basé au siège d'Europol à La Haye, est actuellement doté d'une quarantaine d'analystes mais, a assuré M. Wainwright, ses moyens doivent être renforcés dans les mois à venir alors que les pays de l'UE se sont engagés à améliorer le partage de renseignements après les attentats de Paris.

«Il se concentrera en particulier sur la communauté de 5000 citoyens européens qui ont été radicalisés en participant au conflit en Syrie et en Irak, dont un grand nombre est revenu dans nos sociétés et pose un grave risque de sécurité», a précisé le directeur d'Europol.

«Frapper, frapper encore»

Particulièrement sanguinolente, la vidéo diffusée dimanche confirme que l'EI au plus haut niveau était derrière les attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts à Paris.

«Tous ces types qui prennent le temps d'enregistrer un message dans lequel ils décapitent et menacent en même temps la France montrent bien que tout cela est orchestré par le coeur même de l'EI», estime Raffaello Pantucci, expert au Royal United Services Institute (RUSI) de Londres.

Dans la dernière édition de son magazine en anglais Dabiq (numéro 13), l'organisation djihadiste présentait déjà une photo scénarisée des neuf assaillants, en tenue de combat en Syrie.

Dans cette nouvelle vidéo, non datée, et qui intègre des images des attentats de Paris filmées ou diffusées par les chaînes d'informations françaises, ces mêmes assaillants affirment avoir agi sur ordre personnel du «commandeur des croyants» Abu Bakr al-Baghdadi.

Leur message s'articule en trois temps: les menaces contre la France (rendez-vous sur les champs Élysée!), les appels aux musulmans à se soulever et à «tuer des mécréants», puis les menaces contre la Grande-Bretagne.

Les images ont été manifestement filmées en Syrie ou en Irak. Seule la séquence où apparaît Abdelhamid Abaaoud, le chef présumé du commando, a été tournée dans un lieu clos, avec un simple drapeau noir de l'EI en toile de fond. De mauvaise qualité, elle pourrait avoir été filmée à Paris ou Bruxelles, ou n'importe où dans un appartement en Europe, avant ou après les attentats.

La vidéo ne fait par ailleurs aucune mention du sort de Salah Abdelslam, dixième membre présumé du commando, aujourd'hui toujours en fuite.

Les images sont accompagnées de chants islamiques (nasheeds) en français dont un, qui sonne comme un morceau de rap, égrène les lieux des attentats perpétrés à Paris en 2015 («Charonne, Voltaire, HyperCacher...»).

«Ces provocations odieuses amplifient encore la résolution qui est la nôtre, qui est la mienne pour protéger les Français (...), mais aussi pour frapper, frapper encore cette organisation qui nous menace et qui tue nos enfants», a dit François Hollande.