Le groupe armé État islamique a perdu de 25 à 30% de son territoire depuis août dernier. Carte à l'appui, c'est le message que vient de transmettre le Pentagone américain aux médias. Il tombait à point. Le premier ministre irakien, Haider al-Abadi, était à Washington hier pour demander une aide militaire accrue au président Obama. Les enjeux en quatre questions et réponses.

Que dit le Pentagone?

Selon les estimations du département américain de la Défense, le groupe armé État islamique (EI) a perdu de 13 000 à 17 000 km2 de son territoire d'influence depuis que les États-Unis et ses alliés, dont le Canada, ont commencé leurs bombardements aériens, en août dernier. Cela représente de 25 à 30% de leur zone d'influence en Irak et en Syrie. «La carte démontre qu'une combinaison de la puissance aérienne des alliés et des forces irakiennes au sol ont un effet sur la capacité de l'ennemi à contrôler du territoire et sur sa capacité à manoeuvrer aisément», a dit le colonel Steve Warren, lors d'un point de presse à Washington. Selon le Pentagone, les plus grandes pertes de l'EI ont eu lieu en Irak. «En Syrie, l'EI a maintenu son influence globale», a ajouté le colonel, en précisant que les djihadistes ont subi des pertes à Kobané, mais ont gagné du terrain autour de Damas et de Homs.

L'affirmation du Pentagone est-elle crédible?

«J'ai toujours de gros doutes chaque fois que les Américains annoncent des avancées. Il faut se rappeler le nombre de fois qu'ils ont dit que le travail était fait en Irak! indique Alain Rodier, directeur de la recherche au Centre français de recherche sur le renseignement. En temps de guerre, il y a toujours des exagérations qui proviennent des deux côtés du conflit. Les états-majors ont tendance à être optimistes sur leur propre position.» L'expert, qui suit de près la situation au Moyen-Orient, croit qu'il est cependant possible d'affirmer que le groupe État islamique ne progresse plus depuis l'été dernier. Les djihadistes ont connu d'importants revers tant en Irak qu'en Syrie. Ces jours-ci, ils ont la vie dure dans le camp de réfugiés de Yarmouk, où ils sont combattus conjointement par l'armée syrienne de Bachar al-Assad et par des factions palestiniennes. «C'est très mauvais pour l'image de marque du groupe, ainsi que pour le recrutement. On commence à voir un déversement de leurs combattants vers Al-Qaïda et Al-Nosra», note M. Rodier.



Est-ce que les frappes aériennes sont responsables des déboires de l'EI?

En partie. «Les frappes sont vitales parce qu'elles ont affaibli le dispositif militaire de l'EI», explique M. Rodier. Depuis août, les forces de la coalition ont effectué plus de 3244 frappes (1879 en Irak et 1365 en Syrie). Cependant, d'autres forces sont incontournables dans le combat contre le groupe État islamique. «Les Iraniens ont beaucoup contribué au recul de DAECH [acronyme arabe de l'EI]. Ils ont fourni des bottes au sol. Les milices chiites, qui combattent l'EI en Irak, sont encadrées par les Gardiens de la révolution de l'Iran [ou Pasdaran] et par le Hezbollah libanais», affirme Alain Rodier.

Que savons-nous de l'influence du groupe État islamique aujourd'hui?

L'État islamique contrôle toujours un large territoire habité par 8 à 10 millions de personnes, ainsi que des villes d'importance capitale, dont Mossoul, en Irak. Les forces irakiennes ont lancé hier une opération pour reprendre Anbar, dans l'ouest du pays, en espérant récupérer ce lieu stratégique au coeur de l'Irak sunnite. En Syrie, l'EI contrôle surtout des territoires désertiques dans l'est du pays. «Leur position dans les deux pays est bien différente. En Irak, l'EI a le soutien de plusieurs tribus sunnites. Ils ont des intérêts communs. En Syrie, ils sont vus comme une force étrangère composée d'Irakiens et de combattants étrangers. Ils font régner la terreur», explique Alain Rodier. Selon lui, le groupe État islamique réagit à sa position de faiblesse en Irak et en Syrie en proférant de nouvelles menaces à l'endroit de l'Occident. Dans une vidéo mise en ligne cette semaine, le groupe djihadiste promet de «brûler l'Amérique».