Oscar Pistorius, vedette du handisport mondial dont le procès a tenu l'Afrique du Sud en haleine depuis six mois, a été reconnu coupable vendredi à Pretoria de l'homicide involontaire de sa petite amie en 2013, un verdict passible de prison.

Le Code pénal sud-africain ne prescrit aucune peine automatique ni incompressible dans ce cas, et plusieurs audiences se tiendront à partir du 13 octobre pour permettre à l'accusation et à la défense d'argumenter en faveur d'une peine plus ou moins sévère. La décision appartiendra à la juge Thokozile Masipa.

Dans l'immédiat, elle a accepté que le champion reste en liberté sous caution. Impassible à l'annonce du verdict, il est ressorti encadré par une demi-douzaine de policiers en gilets pare-balles.

Faute de preuves irréfutables démontrant son intention de tuer Reeva Steenkamp, pulpeuse starlette de 29 ans venue passer la fatale nuit de la Saint-Valentin 2013 chez lui, la justice sud-africaine lui a laissé le bénéfice du doute.

Peu importe que l'athlète ait manqué de sincérité depuis le début, jurant avoir ouvert le feu sur la porte fermée des toilettes de sa chambre pour neutraliser un cambrioleur, la décision de la cour a été de ne pas retenir l'accusation de meurtre.

Il n'a pas cependant été entièrement dédouané.

«Une personne raisonnable dans sa position, avec le même handicap, aurait prévu la possibilité que quelqu'un derrière la porte puisse être tué par les coups de feu et elle aurait pris les mesures pour éviter ces conséquences, ce que l'accusé n'a pas fait», a déclaré la juge.

La poursuite, «déçue», s'est réservé la possibilité de faire appel, tandis que l'oncle du sportif, Arnold, a remercié la juge «au nom de la famille». «Nous n'avons jamais douté de la version d'Oscar sur ce tragique accident», a-t-il dit.

Pistorius échappe à la perpétuité - en fait une peine incompressible de 25 ans - qui n'aurait laissé aucune marge de manoeuvre par la suite à ses avocats pour aménager la peine.

«La grande évasion d'Oscar»

Pour la presse de son pays, ce sont bien des larmes de soulagement que Pistorius a versées jeudi dans le box des accusés.

«Oscar évite la balle», ou encore «La grande évasion d'Oscar», titraient les journaux, relayant l'étonnement qui a saisi une partie du monde judiciaire sud-africain à l'annonce qu'il échappait au verdict de meurtre.

Dans un pays gangréné par une criminalité exacerbée par les inégalités sociales et le passé violent de l'apartheid, des voix s'inquiétaient du message envoyé à la société sud-africaine.

Oscar Pistorius a été un motif de gloire nationale pendant des années en Afrique du Sud, alliant le glamour d'un sourire de séducteur à une réussite sportive perçue comme une revanche pour un jeune homme que ses parents, lorsqu'il avait 11 mois, avaient dû faire amputer des pieds et équiper de prothèses.

Sextuple médaillé d'or chez les handicapés, élu parmi les 100 personnalités de l'année 2012 par le magazine américain Time, il avait atteint la célébrité mondiale aux Jeux olympiques de Londres en s'alignant au côté des coureurs valides sur 400 mètres.

Pendant toute la durée du procès, le sportif n'a pu opposer que sa parole à celle des témoins cités par l'accusation, notamment les voisins réveillés la nuit du drame par les éclats d'une dispute, des appels à l'aide et des coups de feu.

Mais malgré ses incohérences et des efforts évidents pour donner des réponses lui permettant de sauver sa tête, la juge a refusé de l'accabler sur la base de témoins n'ayant rien vu et aux souvenirs brouillés par la couverture médiatique.

La juge l'a aussi acquitté de deux autres charges jointes au dossier, là encore en raison de la fragilité des témoignages, et n'a retenu contre lui que l'incident provoqué dans un restaurant de Johannesburg quelques semaines avant le drame fatal.

Ce jour-là, Pistorius examinait une arme sous la table et le coup était parti par inadvertance, manquant d'estropier un de ses amis boxeur.

La sombre ironie de cette affaire est que lorsque la presse locale en a eu vent en janvier 2013, Reeva Steenkamp avait consciencieusement défendu Pistorius, démentant l'incident qui aurait pu lui valoir une inculpation et un retrait de port d'armes.

Les parents de Reeva incrédules et choqués

Les parents de Reeva Steenkamp ont accueilli vendredi le verdict d'homicide involontaire rendu par la justice sud-africaine à l'encontre du champion paralympique avec incrédulité.

«Je pense juste que ce n'est pas le bon verdict... Ils croient à son histoire, moi non», a déclaré sur la chaîne NBC sa mère, June Steenkamp. «Il a tiré sur la porte, et je n'arrive pas à croire qu'ils croient que c'était un accident», a-t-elle ajouté.

«Elle est morte d'une mort horrible, douloureuse, terrible et elle a souffert», a-t-elle poursuivi, en écho à l'expert balistique qui avait témoigné au procès et souligné que la jeune femme de 29 ans avait eu le temps de se voir mourir, touchée d'abord à la hanche une première fois avant d'être atteinte mortellement.

L'arme de Pistorius était chargée avec des balles expansives, dont l'utilisation fait polémique car au lieu de transpercer le corps, elles explosent et lacèrent les tissus ne laissant aucune chance d'en réchapper.

«Il y a eu tellement d'erreurs qui ont été commises, ça ne colle pas», a ajouté June, dont le mari Barry a également estimé que «tous ceux qui avaient pu suivre l'affaire dans le monde étaient incrédules.»

Interrogée pour savoir à quelle peine elle souhaiterait voir condamner le sportif le mois prochain, elle a répondu que son sort à lui importait peu: «Cela ne changera rien, ça ne fera pas revenir ma fille, elle est partie pour toujours».