Diffusé le 20 juin sur la chaîne HBO, Sex Crime Unit, un documentaire signé Lisa Jackson, ne pouvait si bien tomber. Tourné en 2009 et 2010, le film jette un regard inédit sur le bureau d'enquête des crimes sexuels du procureur de Manhattan, dont la patronne, Lisa Friel, a démissionné la veille de la libération sur parole de Dominique Strauss-Kahn.

Après avoir suivi le travail de Friel et des membres de son unité, dont Artie McConnell, le procureur adjoint chargé initialement du dossier DSK, le téléspectateur peut encore mieux comprendre la complexité des affaires de violence sexuelle. Les procureurs ne doivent pas seulement réunir les preuves susceptibles de convaincre un jury «au-delà de tout doute raisonnable» - une tâche compliquée par les préjugés culturels -, mais également défendre la crédibilité de la plaignante.

Le documentaire montre bien la joie intense des membres de la Sex Crime Unit lorsqu'ils réussissent à obtenir un verdict de culpabilité. Et il permet aujourd'hui aux téléspectateurs qui l'ont vu d'imaginer facilement leur désarroi quant au possible effondrement des accusations contre l'ex-patron du FMI.

Aucune raison officielle n'a été donnée pour expliquer la démission de Friel. Le New York Times a cependant souligné dans son numéro de dimanche la décision étonnante du procureur de New York, Cyrus Vance, de confier les rênes du dossier DSK à deux procureurs adjoints travaillant à l'extérieur de la Sex Crime Unit.

Divisions

La veille, un autre quotidien de New York, le Daily News, avait de son côté affirmé que l'ex-patronne de la Sex Crime Unit s'était vigoureusement opposée à la volonté du bras droit de Vance, Dan Alonso, de procéder rapidement à l'inculpation de DSK.

Si tel était le cas, Lisa Friel ne serait pas la seule personne à New York à remettre en question la gestion de l'affaire DSK par Vance et Alonso.

«Ce sont des accusations extrêmement sérieuses», avait déclaré Cyrus Vance après l'inculpation de DSK sous sept chefs d'accusation, dont agression sexuelle et tentative de viol.

Le procureur avait alors évoqué les preuves médico-légales et autres réunies par la police de New York et son bureau, preuves qui avaient convaincu un grand jury composé de 23 personnes d'inculper l'ancien ministre français de l'Économie et des Finances.

Aujourd'hui, ces preuves, quelles qu'elles soient, ne semblent plus peser bien lourd face aux révélations des derniers jours mettant en cause la crédibilité de la plaignante. Emboîtant le pas des procureurs, le New York Post a évoqué dimanche et samedi la possibilité que la femme de chambre ait monnayé des services sexuels auprès de certains clients du Sofitel de New York.

Citant des sources anonymes proches des enquêteurs de la défense, le Post a également laissé entendre que la femme de chambre avait porté ses accusations contre l'ex-patron du FMI après que celui-ci eut refusé de la payer pour la fellation qu'il venait de recevoir.

Revers successifs

L'abandon par Cyrus Vance des charges contre DSK s'ajouterait à une série de revers encaissés par le procureur de Manhattan, qui a succédé il y a 18 mois au légendaire Robert Morgenthau.

Cyrus et ses adjoints ont récemment perdu le procès hautement médiatisé qu'ils avaient intenté contre deux policiers de New York accusés d'avoir tenté de violer une jeune femme. Ils ont également subi l'échec en tentant de convaincre un grand jury d'inculper deux hommes accusés d'avoir planifié des attentats contre des synagogues de New York. Et ils ont fait chou blanc en tentant de décrocher un verdict de culpabilité contre les superviseurs d'un chantier de construction où des pompiers avaient perdu la vie en tentant d'éteindre un incendie.

C'est en faisant allusion à ces revers que l'avocat de la femme de chambre a expliqué les agissements du procureur de New York la semaine dernière.

«Nous croyons qu'il a peur de perdre un autre dossier important», a déclaré Kenneth Thompson devant la presse.

Cyrus Vance s'est plus tard défendu en affirmant que son bureau avait fourni à la défense les informations sur leurs «soucis» concernant la crédibilité de la plaignante «comme légalement, éthiquement, nous le devons le faire».