Le Premier ministre britannique Gordon Brown espère un échec des discussions entre Tories et Lib Dems pour tenter de former son propre gouvernement avec ces derniers mais, pour nombre d'analystes, cette éventualité paraît illusoire avec lui à la barre.

En perdant 91 sièges par rapport aux législatives de 2005, les travaillistes ont subi jeudi leur plus sérieux revers électoral depuis 1931. Mais l'absence de majorité absolue pour les conservateurs de David Cameron a permis à M. Brown de s'accrocher dans un premier temps à son poste.

Les conventions constitutionnelles, à défaut de constitution écrite, prévoient que, pour éviter toute vacance du pouvoir, le Premier ministre sortant reste en place tant qu'il n'est pas acquis qu'une majorité peut être réunie contre lui.

Il lui revient même normalement d'être le premier à avoir le droit de former un gouvernement. Mais, fidèle à sa promesse de campagne, Nick Clegg, chef des libéraux-démocrates, troisièmes des élections, lui a dénié cette prérogative, estimant que les Tories avaient la «priorité» du fait de leur légitimité populaire.

Un accord entre Tories et Lib Dems est cependant loin d'être acquis, tant leurs programmes diffèrent. Gordon Brown escompte que leurs négociations capotent pour voir Nick Clegg se tourner vers le Labour. Ce que celui-ci n'a pas exclu.

Il resterait peu de temps à Brown

Cependant, pour plusieurs experts interrogés par l'AFP, un accord Labour-Lib Dems pourrait bien se faire sur le dos de M. Brown. Pendant la campagne, M. Clegg avait en effet déjà laissé entendre qu'il aurait beaucoup de mal à travailler avec le Premier ministre.

«Ce n'est réellement qu'une question de temps» avant que M. Brown doive s'incliner, estime Steven Fielding de l'université de Nottingham. «Si les discussions entre les Lib Dems et les Tories échouent et que Nick Clegg revient vers le Labour, il a déjà dit qu'il ne pouvait rien accepter si Gordon Brown reste leader».

La démission de M. Brown pourrait ouvrir la voie au ministre des Affaires étrangères David Miliband ou au ministre de l'Intérieur Alan Johnson, à la tête d'un gouvernement d'union avec les Lib Dems.

«Quel que soit le scénario que vous considérez, Gordon Brown remettra sa démission, que ce soit pour laisser la place à un autre Premier ministre travailliste ou à David Cameron», n'hésite pas à affirmer M. Fielding.

Les travaillistes ont toutefois répété qu'ils n'avaient pas l'intention de se laisser dicter leur conduite par les Lib Dems. Et M. Brown, plusieurs fois donné pour mort depuis son arrivée à Downing Street en 2007, a déjà montré sa capacité à rebondir.

«C'est un éternel rescapé, mais je ne le vois pas y parvenir cette fois-ci», avance Paul Whiteley de l'université d'Essex. «Je ne vois pas Clegg accepter d'aller dans une coalition avec le Labour avec Brown à sa tête».

Une coalition Labour/Lib Dems, deux partis plus proches idéologiquement que les Tories et les Lib Dems, n'offrirait pas toutes les garanties de survie à long terme.

Avec 315 sièges à eux deux, ils n'obtiendraient pas la majorité absolue et pourraient devoir aussi s'appuyer sur de petits partis comme le Parti unioniste démocrate (DUP, nord-irlandais) ou les nationalistes écossais et/ou gallois.

Pour Victoria Honeyman de l'université de Leeds, cette «coalition des perdants» s'écroulerait «sous son propre poids». «Ce serait un cauchemar», juge-t-elle. «Peut-être, à court terme, il (Brown) sera capable de bricoler quelque chose. Mais je n'imagine pas que ça dure très longtemps».

L'indice de popularité de M. Brown semble avoir encore décru avec les législatives. Selon un sondage paru dimanche dans le Sunday Times, 62% des électeurs estiment qu'il aurait déjà dû concéder sa défaite et démissionner.