Une fièvre royaliste s'est emparée des Britanniques, hier, devant la plus grande flottille des temps modernes, le clou des festivités londoniennes pour le jubilé de diamant d'Élisabeth II. Même le mauvais temps n'avait pas refroidi les ardeurs de la foule, qui s'étendait à perte de vue sur les berges de la Tamise.

Si la reine Élisabeth doutait encore de l'affection que lui portaient ses sujets, ses craintes se sont sans doute évanouies hier. Plus d'un million de Britanniques ont bravé le froid et la pluie pour admirer un somptueux défilé d'un millier de bateaux sur la Tamise en l'honneur du soixantième anniversaire de son couronnement.

Dans une mise en scène d'une rare ampleur, la famille royale a présidé la procession à bord d'une barge royale peinte en or et drapée de velours. Vêtue d'un tailleur blanc brodé de cristaux, la «reine de diamant», reconnue pour son amour des bateaux, affichait un grand sourire lorsque les premières embarcations à rame ont levé l'ancre en début d'après-midi.

Ont suivi voiliers, bateaux historiques, traversiers et péniches musicales dans une armada longue de 11 kilomètres, du jamais vu depuis 350 ans.

Les berges et 13 ponts avaient été pris d'assaut par une marée bleu, rouge et blanche: des badauds vêtus des couleurs du drapeau britannique, l'Union Jack. Les plus chanceux avaient trouvé place sur des balcons et des toits d'édifices.

Les autres étaient arrivés tôt le matin. «À 9h, c'était déjà noir de monde», a dit la retraitée Doreen Wainwright, qui s'était hissée sur un banc public à côté du pont Waterloo.

L'excentricité anglaise était bien sûr au rendez-vous. Rolanda Francis avait revêtu un costume rouge et bleu avec deux petits moulins à vent vis-à-vis les seins. «La reine est une femme très spéciale», a-t-elle dit en coup de vent.

Tous les spectateurs rencontrés par La Presse disaient ne pas vouloir manquer ce moment historique.

«Il n'y aura pas un autre jubilé de diamant de notre vivant. Nous n'avons connu qu'une seule monarque», dit Keith Thomson, un comptable qui avait ouvert une bouteille de champagne en compagnie de trois amis à une grande fête, boulevard Piccadilly. Près de 2000 rues avaient été fermées dans la capitale pour accueillir des agapes entre voisins et amis.

Plus loin, c'était un jus de pomme pour Arthur Hudson, 3 ans. «Nous voulions qu'il assiste à cet événement, même s'il ne s'en souviendra pas», explique son père, George, qui conserve de vagues réminiscences du jubilé d'argent, en 1977.

Un enthousiasme que ne partageaient pas les quelque 700 républicains réunis près de Tower Bridge, dans l'ouest de Londres, la ligne d'arrivée de la flottille. «La monarchie viole le principe d'égalité d'une démocratie, a affirmé John Mayle, 33 ans, qui grelottait de froid. Je veux pouvoir élire mon chef d'État.»

Une petite note discordante dans une grande chorale patriotique qui restera longtemps gravée dans la mémoire des Britanniques... et des touristes. «Tout ça était, disons, très folklorique», a dit Hélène, une juriste française qui s'apprêtait à rentrer à Paris avec son mari et ses trois enfants.