L'ONU qui a opposé une fin de non-recevoir à l'exigence de Laurent Gbagbo d'un retrait des Casques bleus de Côte d'Ivoire, était «préparée à tout» dimanche, même si elle souhaite éviter une confrontation avec les forces armées fidèles au président sortant.

«Nous redoublons de vigilance et nous sommes préparés à tout», a déclaré à l'AFP Hamadoun Touré, porte-parole de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci). Les Casques bleus vont «poursuivre» leurs patrouilles mais «nous ne voulons pas de confrontation» avec les forces armées loyales à M. Gbagbo, a-t-il ajouté.

Pour prévenir ce risque, «il y a des zones sensibles dans lesquelles nous n'allons pas, vers la présidence» de la République notamment, située dans le quartier administratif du Plateau à Abidjan, a-t-il affirmé.

Par la voix de son secrétaire général Ban Ki-moon, l'ONU qui ne reconnaît pas l'élection de M. Gbagbo et considère son rival Alassane Ouattara comme le président élu, a rejeté la demande du sortant. Elle l'a averti des «conséquences» s'il lançait une attaque contre les Casques bleus.

Le siège de l'Onuci à Abidjan avait essuyé des tirs de la part d'hommes armés «vêtus de tenues militaires» dans la nuit de vendredi à samedi, selon la mission.

Cependant, en dépit des risques d'un nouvel incident, aucune disposition particulière ne semblait avoir été prise pour renforcer la sécurité de l'énorme bâtiment qui a déjà en temps normal des airs de forteresse, protégé par des gardes et des sentinelles, a constaté une journaliste de l'AFP.

Laurent Gbagbo et les Forces de défense et de sécurité (FDS) qui lui sont fidèles ont accusé l'Onuci d'appuyer militairement l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) soutenant son rival Alassane Ouattara, autre président proclamé, reconnu comme président légitime par presque toute la communauté internationale.

À l'issue du second tour de la présidentielle le 28 novembre, M. Ouattara a été désigné vainqueur avec 54,10% des voix par la Commission électorale indépendante mais le Conseil constitutionnel, acquis à Laurent Gbagbo, a invalidé ces résultats pourtant certifiés par l'ONU et proclamé la victoire du président sortant.

Outre le retrait des Casques bleus, au nombre de 10.000, M. Gbagbo a également exigé celui de la force française Licorne (900 hommes).

En plus des FDS, en particulier ses unités d'élite comme la Garde républicaine, Laurent Gbagbo peut compter sur le soutien indéfectible des «jeunes patriotes» de son nouveau ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé.

Fer de lance de violentes manifestations antifrançaises en 2003 et 2004 à Abidjan, Charles Blé Goudé devait poursuivre dimanche sa tournée des quartiers de la capitale économique ivoirienne pour appeler ses partisans «avant vendredi, à libérer totalement la Côte d'Ivoire».

Samedi, dans un des fiefs abidjanais de Laurent Gbagbo, Yopougon, et devant des centaines de jeunes très remontés contre la communauté internationale, il a affirmé que son champion «ne partira pas et ne partira jamais», et accusé l'ONU et le président français Nicolas Sarkozy de préparer un «génocide».

Le durcissement du régime Gbagbo s'est également traduit par la suspension de la publication de plusieurs journaux favorables à Alassane Ouattara.

Le Conseil national de la presse (CNP), organe officiel de régulation en Côte d'Ivoire, a dénoncé une «atteinte intolérable à la liberté de la presse» et réclamé la reparution des titres empêchés de paraître depuis vendredi par des éléments de l'armée.

Dans le nord du pays, tenu depuis 2002 par l'ex-rébellion dirigée par Guillaume Soro, premier ministre d'Alassane Ouattara, la tension était également perceptible avec la crainte d'une reprise des combats entre FN et FDS.

À Djébonoua (centre), dernier poste tenu par les FN avant la zone tampon qui sépare le nord du sud tenu par le camp Gbagbo, un soldat de l'ex-rébellion a déclaré à l'AFP: «nos hommes sont aux aguets».