J'ai survécu au tremblement de terre en Haïti. Dès la première secousse, on réalise immédiatement que sa vie est en danger. On court vers l'endroit qu'on imagine le plus sûr. On espère faire le bon choix. Ce jour-là, j'ai choisi de tourner à gauche. À ma droite, tout s'écroulait. Ce furent les 35 secondes les plus longues de ma vie.

Je me repasse la scène en boucle depuis maintenant un an. Un flash-back que des millions d'Haïtiens voient probablement, chacun à sa façon.

J'ai décidé de revenir ici pour le premier anniversaire. Une occasion parfaite pour faire face à mes démons. Boucler la boucle, en quelque sorte.

Comment cela se passe-t-il? Plus ou moins comme prévu. La peur de revivre un tremblement de terre est toujours présente. La probabilité que ça se reproduise est à peu près nulle. Je le sais très bien, et les Haïtiens aussi. Pourtant, il y a des milliers de sinistrés qui ne retourneront pas chez eux parce qu'ils ont la crainte que «la chose» frappe encore ou que ce qui reste de la maison s'écroule sur eux.

Chaque fois qu'on perçoit un fort bruit ou le moindre petit tremblement, le coeur bat vite. L'espace d'une seconde, on repense au soir du goudougoudou. Puis, on réalise que ce n'est pas grave.

Survivre à «l'événement» n'est pas chose simple. La vie quotidienne en Haïti est dure. Je rencontre chaque jour des gens qui me racontent la mort d'un proche, la recherche d'une maison, la difficulté de trouver du travail ou, tout simplement, de nourrir leurs enfants.

Mes patrons m'ont envoyé en Haïti pour faire de la photo. Et c'est ce que je fais. Le 12 janvier approche à grands pas. Il sera à nouveau 16h53.

Je suis retourné à l'hôtel Villa créole. Je m'attendais à ce qu'on ait déblayé la section qui s'était écroulée autour de moi. Eh bien, non. Rien. Du contreplaqué a été installé pour tout cacher. On cache et on continue.

Aujourd'hui, des cérémonies vont commémorer la tragédie. Je sais que je n'aurai pas le goût de faire de la photo. Je vais vouloir parler aux Haïtiens autour de moi et les serrer très fort dans mes bras. On va probablement observer une minute de silence pour oublier nos 35 secondes d'enfer. Après, j'espère seulement que les flash-backs vont s'estomper.

Haïti, lui, restera à tout jamais gravé dans mon coeur.