Le gouvernement américain devra prouver que le soldat Bradley Manning, en diffusant des documents américains confidentiels, savait qu'il communiquait des informations à Al-Qaïda et faisait ainsi du tort à son pays, a ordonné une juge militaire mercredi.

Lors d'une nouvelle audience préliminaire qui s'est achevée vers 16 h (sur la base militaire de Fort Meade, dans le Maryland), la juge Denise Lind a décidé que l'accusation devrait présenter des preuves au procès que des informations classifiées avaient à la fois été transmises sciemment «à l'ennemi», mais aussi que celui-ci, en l'occurrence Al-Qaïda, les avait effectivement reçues.

Le soldat Manning, ancien analyste du renseignement en Irak, est notamment accusé de «collusion avec l'ennemi», le plus lourd des 22 chefs d'inculpation qui pèsent sur lui, et encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Dans une victoire partielle de la défense, le gouvernement devra prouver «au-delà d'un doute raisonnable» que Bradley Manning avait «de bonnes raisons de croire» que les informations remises au site WikiLeaks allaient effectivement parvenir à un «ennemi» des États-Unis et «faire du tort» à son pays.

Dans un jugement distinct, la juge a donné raison à l'accusation, en l'autorisant à faire témoigner un des membres du commando qui a participé au raid contre le bunker d'Oussama ben Laden au Pakistan, ce que refusait la défense.

Ce témoin, baptisé «John Doe» pour préserver son anonymat, devrait évoquer des documents électroniques diffusés par WikiLeaks retrouvés dans la cache où ben Laden a été tué en mai 2011, attestant que les informations dévoilées par Manning étaient bien arrivées entre les mains d'Al-Qaïda.

Il témoignera «partiellement déguisé» dans «un endroit sécurisé», lors d'une session à huis clos, a également ordonné la juge Lind. Trois autres témoins secrets seront aussi entendus lors d'un huis clos total, tandis que 24 témoins supplémentaires du gouvernement - ambassadeurs, responsables du Pentagone, du Département d'État et du renseignement américain - seront soumis à un huis clos partiel.

Pour la première fois, la juge a rendu publique une version écrite de deux des trois décisions rendues mercredi. Plusieurs médias et organisations de défense des droits de l'homme ont dénoncé le manque de transparence, de documents et de retranscription des procédures.

Cette audience était la première depuis que l'enregistrement clandestin du témoignage de Bradley Manning - au cours duquel, le 28 février, il expliquait ses motivations - a été rendu public sur l'internet.

En conséquence, les téléphones portables, proscrits dans la salle du tribunal, le sont désormais également dans la salle de presse, où les audiences sont retransmises, ainsi que tout moyen d'enregistrement ou de transmission pendant les débats.

«Ce centre de presse est un privilège, pas une obligation, les privilèges peuvent être retirés», a prévenu la juge, appelant les journalistes à dénoncer toute infraction au règlement dont ils seraient témoins.

L'enregistrement audio de Bradley Manning a été réalisé clandestinement le 28 février pendant le témoignage d'une heure et demie du soldat de 25 ans, dans lequel il a expliqué pourquoi il était devenu la «taupe» de WikiLeaks en lui transmettant, entre novembre 2009 et mai 2010, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan et 260 000 dépêches (câbles diplomatiques) du département d'État.

Son procès doit s'ouvrir pour 12 semaines le 3 juin à Fort Meade. Une prochaine audience se tiendra à huis clos les 7 et 8 mai.