«Sarko, c'est fini!» Les cris ont fusé place de la Bastille, bastion de la gauche française, où des milliers de partisans de François Hollande étaient rassemblés dimanche sous un ciel d'orage.

Ils attendaient dans une ambiance électrique, agglutinés sur cette même place parisienne où le peuple de gauche avait célébré il y a 31 ans l'élection du premier président socialiste, François Mitterrand.

Quand tout à coup, le visage de François Hollande s'est dessiné sur les écrans géants, une immense clameur a rempli la place, les bouchons de champagne ont sauté et les fumigènes rouges illuminé le ciel gris.

«Sarko, c'est fini!», «A nous l'Élysée!», «On a gagné, on a gagné!»: les premiers mots ont dit le «soulagement» de voir le conservateur Nicolas Sarkozy quitter le pouvoir au terme d'un quinquennat vécu comme une offense.

«Moi, je n'ai presque connu que la droite. Fondamentalement, je sais que ça ne va pas changer grand-chose, mais ce sera plus de tolérance, d'humanité, moins de stigmatisation, une société apaisée», affirme Julien Auffret, 27 ans.

Autour de lui, les visages sont radieux, même si l'angoisse du chômage, du déclassement, n'ont pas disparu avec Nicolas Sarkozy, hué pour son «flirt» avec l'extrême droite, son discours très dur sur l'immigration et la sécurité.

Une fleur dans les cheveux, les larmes aux yeux, Catherine Cocagne veut savourer l'instant. «Il est passé!», lance cette secrétaire de 47 ans, avant d'ajouter: «c'est excellent, mais ça fait flipper. On met tout notre espoir en Hollande, mais il ne faut pas qu'il se plante, sinon dans cinq ans ce sont les extrêmes qui vont passer».

Didier Stephan, artiste de 70 ans, se dit aussi «heureux» de ne «plus voir la gueule» de Nicolas Sarkozy. Il est lucide face aux défis que devra affronter son président: «On est heureux mais on ne se fait pas d'illusion, le politique ne fait pas tout».

Mais il veut croire en cet «homme normal» qui a promis une autre politique, qui veut taxer les riches et faire fléchir Berlin sur le pacte budgétaire européen, qui doit être selon la gauche française plus orienté vers la croissance.

«Sur l'Europe, ça va faire bouger les lignes», veut croire Didier Stephan. Et Hollande, «bien sûr qu'il est crédible, il a tout le peuple derrière lui!»

Émue, Lucile Jourdannaud, étudiante en droit de 20 ans, votait pour la première fois et est venue savourer le grand soir. «Voir que la gauche passe c'est une grande fierté. Pleine d'émotion. C'est un peu le 1981 de notre génération».

Dans plusieurs villes de France, les mêmes cris ont salué les résultats. Sur la place de la mairie à Rennes, grande ville du nord-ouest, une banderole a été accrochée à un balcon: «La gauche acte II, François is back».

«On a gagné», criait la foule, tandis que fusaient aussi quelques ironiques «casse-toi, pauv'con», en référence à la phrase lancée à un homme qui ne voulait pas lui serrer la main par le président Sarkozy lors d'un salon de l'Agriculture et restée dans les mémoires.

Le choix du changement

À Tulle, fief rural du nouveau président, plusieurs milliers de personnes massés avaient bravé la pluie pour voir apparaître le visage de leur champion place de la cathédrale.

François Hollande a affirmé dimanche que les Français avaient «choisi le changement» en le portant à la présidence de la République, après avoir remporté le second tour du scrutin face au sortant Nicolas Sarkozy.

«Les Français en ce 6 mai viennent de choisir le changement en me portant à la présidence de la République», a-t-il déclaré devant ses partisans, ajoutant qu'il serait le «président de tous».

«Je mesure l'honneur qui m'est fait et la tâche qui m'attend. Devant vous, je m'engage à servir mon pays avec le dévouement et l'exemplarité que requièrent cette fonction», a-t-il ajouté.

«J'adresse un salut républicain à Nicolas Sarkozy qui a dirigé la France pendant cinq ans et qui mérite à ce titre tout notre respect», a poursuivi François Hollande alors que ses supporters ont hué le nom du président sortant.

«J'exprime ma profonde gratitude à toute celles et à tous ceux qui ont par leurs suffrages rendu cette victoire possible», a-t-il souligné, en demandant à être «jugé sur deux engagements majeurs, la justice et la jeunesse».

Selon l'institut CSA, M. Hollande a obtenu 51,8% des voix contre 48,2% à Nicolas Sarkozy. Pour Ipsos, le socialiste a remporté 51,9% des suffrages et pour TNS Sofres 52%.