«Travay la fek komanse. Nou tout ansnm nou kapab.» Le travail ne fait que commencer. Ensemble, nous sommes capables. Sur Twitter, c'est dans ces mots que Michel Martelly a accueilli hier l'annonce des résultats préliminaires des élections haïtiennes, le donnant grand gagnant de la course présidentielle. Mais par où commencer pour remettre sur pied le pays le plus pauvre et le plus meurtri des Amériques? Survol du «travay» ou plutôt des grands travaux qui attendent l'ancien chanteur de charme lorsqu'il succédera à René Préval le 14 mai.

1. Cohabitation

Malheureusement, pour le néophyte de la politique qu'est Michel Martelly, c'est un dossier éminemment politique qui sera sur le dessus de la pile dès le début. Le nouveau président devra trouver un terrain d'entente avec le parti du président sortant qui contrôle toujours le Parlement. Or, c'est ce parti majoritaire qui doit nommer le premier ministre selon la Constitution haïtienne. «Comment éviter un choc des volontés (politiques)? C'est un défi. Si la cohabitation se passe bien, le président pourra alors mettre de l'avant de grandes orientations», note Daniel Holly, professeur de sciences politiques à l'Université du Québec à Montréal.

2. Reconstruction

Depuis le début de sa campagne, Michel Martelly promet de régler d'abord la situation des rescapés du séisme du 12 janvier 2011. Entre 800 000 et 1 million de personnes, déplacées par le tremblement de terre, vivent toujours sous des tentes. Nouveau visage sur la scène politique, Michel Martelly devra gagner la confiance des chefs politiques des pays donateurs qui ont promis plus de 5 milliards pour la reconstruction d'Haïti.

3. Emploi et économie

En campagne, Michel Martelly a maintes fois répété que pour faire face au chômage en Haïti, il était nécessaire de réformer l'agriculture du pays. Du million de chômeurs que compte la Perle des Antilles, près de 50 à 60% seraient issus de familles de fermiers. Mais une telle réforme et les emplois générés par la reconstruction ne suffiront pas à assurer l'avenir économique du pays, qui a un besoin criant de développement industriel et d'autres secteurs non agricoles de son économie. Avant le séisme, 80% de la population vivait déjà sous le seuil de la pauvreté. Ce nombre s'est accru alors qu'une bonne partie du PIB a été ensevelie en même temps que Port-au-Prince en janvier 2010.

4. Santé et éducation

L'épidémie de choléra est le dossier prioritaire en matière de santé alors qu'une récente étude du Lancet estimait le mois dernier que quelque 11 000 personnes pourraient mourir de la maladie d'ici le 30 novembre 2011. La maladie a déjà raflé plus de 4500 personnes et semé la panique dans les camps où sont toujours réfugiés des centaines de milliers de personnes. L'éducation est aussi prioritaire. Environ 50% de la population haïtienne est analphabète.

5. Sécurité

Un des piliers de la campagne de Michel Martelly, ex-militaire, a été la remise sur pied d'une armée nationale pour Haïti. Cette dernière a été démantelée il y a une dizaine d'années après plusieurs incidents d'abus de pouvoir et de violations des droits de la personne et est remplacée depuis 2004 par les Casques bleus de la Mission des Nations unies pour la stabilisation d'Haïti. Cette promesse de Martelly ne fait pas l'unanimité. Les problèmes de sécurité d'Haïti relèvent davantage des forces policières que d'une armée traditionnelle. «Cette armée pourrait monopoliser de 50 à 60% du budget national, estime Daniel Holly. C'est en quelque sorte un fantasme haïtien qui remonte à la lutte pour l'indépendance. Mais il ne faudrait pas oublier que l'armée a participé à plusieurs coups d'État dans le passé.»

avec l'OMS, l'AFP et le CIA World Factbook

Photo: AFP

Michel Martelly a donné sa première conférence de presse à titre de président-élu mardi à Port-au-Prince.