Rumeurs, spéculations et tension: les Haïtiens attendaient anxieusement dimanche de connaître les résultats du deuxième tour de l'élection présidentielle, redoutant des violences similaires à celles qui avaient accueilli en décembre les résultats du premier tour.

Le Conseil électoral provisoire (CEP) est censé annoncer lundi les résultats préliminaires de la consultation qui a opposé le 20 mars le chanteur populaire Michel Martelly, favori des sondages, à l'universitaire Mirlande Manigat. Les résultats définitifs sont attendus le 16 avril.

«Le doute, le suspens et le stress gagnent les coeurs, la population se prépare au pire», écrit le quotidien le Nouvelliste dans son édition du week-end.

Depuis samedi, des centaines de personnes se ruent dans les supermarchés et les banques de la capitale pour s'approvisionner dans la perspective de troubles qui pourraient éclater dès la proclamation des résultats.

«On ne sait pas ce qui va se passer dans les prochains jours, alors on s'empresse de faire quelques achats», explique Lilianne, une jeune fonctionnaire qui a fait la queue plusieurs heures devant une banque, évoquant les troubles du premier tour.

La publication début décembre des résultats préliminaires du premier tour classant Michel Martelly en troisième position -et l'excluant donc du second tour- avait jeté des milliers de manifestants dans les rues pendant plusieurs jours.

Face à un déchaînement de violence qui avait fait plusieurs morts, les autorités avaient dû revoir les résultats et réintégré dans la course le chanteur au détriment du candidat du pouvoir Jude Célestin.

L'idée aujourd'hui que leur candidat pourrait avoir perdu la présidentielle, semble mobiliser les partisans de M. Martelly qui menacent de manifester violemment dans les rues du pays.

Face aux rumeurs selon lesquelles des quantités de machettes ont été retirées des magasins ces derniers jours, la police a été forcée d'adopter des mesures préventives.

«Des dispositions sont prises en vue d'éviter tous les cas de trouble à l'ordre public. Les réunions publiques et les manifestations doivent se faire dans le respect des normes», a averti dans un communiqué la police du Cap haïtien (nord), la deuxième ville d'Haïti.

L'ambassade des États-Unis s'est même vue contrainte de démentir des spéculations sur le déploiement imminent de soldats américains en Haïti, où des milliers de Casques bleus sont stationnés depuis 2004.

Sans révéler le nom du vainqueur de la présidentielle, une organisation nationale d'observation électorale a indiqué que le gagnant disposait d'une belle avance sur son concurrent.

«Nous nous gardons de publier les résultats, même si nous disposons de données claires, et nous souhaitons que la vérité des urnes soit respectée», a déclaré Noel Laguerre, responsable du Centre national d'observation électorale (CNO).

Annoncés pour jeudi dernier, les résultats ont été reportés à lundi en raison de fraudes détectées dans les votes, ce qui a obligé le Conseil électoral à écarter plusieurs centaines de procès-verbaux adressés par les différents centres de vote du pays.

Qu'à cela ne tienne, les deux camps n'hésitent pas à crier victoire et publient des chiffres au mépris des recommandations de l'Organisation des États américains (OEA).

«Les annonces prématurées de victoire sont nuisibles à l'ordre public et au bon déroulement du processus électoral», a déclaré le chef de la mission internationale d'observation mise en place par l'OEA, Colin Granderson.

Le deuxième tour a été marqué, quelques jours avant la consultation, par le retour en Haïti de l'ancien président Jean Bertrand Aristide, qui reste très populaire auprès des défavorisés sept ans après avoir été chassé du pouvoir par une insurrection armée, avec la bénédiction de la France et des États-Unis.