Deux hauts responsables de l'ONU ont dénoncé jeudi la répression sanglante des manifestations pro-Morsi en Égypte et ont mis en garde contre le risque de représailles contre les chrétiens.

Dans un communiqué, le conseiller spécial de Ban Ki-moon sur la prévention du génocide Adama Dieng et Jennifer Welsh, conseillère spéciale sur la responsabilité de protéger, ont «déploré les lourdes pertes humaines» au Caire et exprimé leur «inquiétude devant l'escalade continue de la violence» en Égypte.

Les deux responsables «notent avec inquiétude qu'un certain nombre d'églises et d'institutions chrétiennes ont été visées» dans plusieurs provinces «en représailles après les incidents au Caire». Ils appellent «tous les Égyptiens (. ) à éviter d'utiliser la violence pour exprimer leurs revendications, en particulier en visant des minorités et institutions religieuses».

Ils demandent également aux autorités égyptiennes de mener une «enquête rapide, indépendante et efficace sur les circonstances des événements tragiques du Caire et des attaques contre des minorités et institutions religieuses».

«Nous demandons à tous les acteurs politiques et sociaux de renoncer aux stratégies de confrontation (...) et de prendre toutes les mesures possibles pour faciliter le règlement pacifique des conflits dans le pays», ajoute le communiqué.

Navi Pillay, Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, avait auparavant demandé dans un communiqué publié à Genève une enquête sur les agissements des forces de sécurité en Égypte après les affrontements de mercredi.

Paris veut éviter une guerre civile, la Turquie veut une réunion de l'ONU

En Europe, plusieurs pays ont convoqué ces dernières heures l'ambassadeur d'Égypte dans leur capitale (France, Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, Espagne) pour condamner l'usage de la force.

Le président français François Hollande a convoqué en personne l'ambassadeur Mohamed Kamal pour lui dire que «tout doit être mis en oeuvre pour éviter la guerre civile» dans son pays.

«La libération de prisonniers, dans le respect des procédures judiciaires en cours, pourrait constituer un premier pas vers la reprise de pourparlers», selon un communiqué de la présidence française, qui plaide pour une «solution politique», souhaitant que «des élections soient organisées dans les meilleurs délais».

L'Espagne a exprimé «son inquiétude pour la déclaration d'état d'urgence et demande sa levée le plus rapidement possible, et demande également que soit évité toute nouvelle effusion de sang», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

«Dans ce moment critique, il est particulièrement important que les forces de sécurité et les manifestants agissent avec la retenue nécessaire afin d'éviter les conséquences irréversibles de la violence», a ajouté le ministère.

Pour la responsable de la diplomatie italienne Emma Bonino, la répression contre les partisans de Morsi est «brutale, inacceptable et inexcusable». «L'armée sert à protéger contre les menaces externes, pas à tirer sur la population» a-t-elle lancé.

Alors que les autres pays européens ont soigneusement évité l'emploi du mot «coup d'État», la Norvège a estimé que la situation en Égypte présente «toutes les caractéristiques d'un coup d'État militaire».

La Turquie, pays à cheval entre l'Europe et le Proche-Orient, a très vivement réagi aux scènes de violence de la veille dans ce pays arabe de 82 millions d'habitants.

«Le Conseil de sécurité des Nations unies doit rapidement se réunir pour discuter de la situation en Égypte», a déclaré devant la presse le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, chef du parti de la Justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste) et qui a dès le début qualifié de «coup d'État» la destitution par l'armée du président Morsi.

«J'en appelle aux pays occidentaux : vous n'avez rien dit à Gaza, en Palestine, en Syrie où plus de 100 000 personnes ont été tuées (....) Vous n'avez rien dit et vous ne dites rien en Égypte. Comment alors pourrez-vous parler à ce stade de la démocratie, de la liberté et des droits de l'homme», a lancé M. Erdogan à l'adresse des Européens et des Américains dont il a dénoncé «l'hypocrisie».

Si Israël n'a pas officiellement réagi aux événements en Égypte, la Chine s'est dite «très préoccupée» et a appelé à la «retenue». Pékin «espère que toutes les parties vont faire primer l'intérêt de la nation et de la population, en faisant preuve de toute la retenue possible, afin d'éviter de nouvelles victimes», a indiqué le ministère des Affaires étrangères.

Le pape François a, de son côté, prié jeudi pour les victimes des violences, ainsi que «pour la paix, le dialogue et la réconciliation».