Les combattants du nouveau régime libyen ont dû se retirer en bordure de la ville de Syrte, où les tireurs embusqués fidèles au dirigeant déchu Mouammar Kadhafi les empêchaient vendredi d'avancer malgré deux semaines d'offensive.

Ce face-à-face était particulièrement difficile pour les milliers de civils pris entre deux feux depuis que les forces du Conseil national de transition (CNT) ont entrepris le 15 septembre de chasser les pro-Kadhafi de Syrte, leur bastion côtier à 360 km à l'est de Tripoli.

Les pro-CNT contrôlent le port et l'aéroport mais n'arrivent pas à prendre pied durablement dans le reste de cette ville de 70 000 habitants. Selon le personnel d'un hôpital de campagne à 40 km à l'ouest de Syrte, la ville a connu vendredi ses combats les plus violents depuis une semaine. Selon des sources médicales, il y a eu vendredi au moins un mort et 11 blessés parmi les pro-CNT.

Selon un commandant, Moustapha ben Dardef, les combattants des fronts est et ouest de Syrte ont tenu une réunion vendredi pour discuter d'un «assaut final» dont la date n'a pas encore été décidée.

«Cela ne va pas être facile de prendre Syrte (...). Ils ont des armes lourdes et des tireurs embusqués, qui nous compliquent la tâche», a déclaré à l'AFP un commandant sur le terrain.

Pour un autre commandant, Mouftah al-Charif, l'impuissance des pro-CNT tient surtout au fait qu'ils se refusent à bombarder les civils encore piégés dans la ville. «Si nous le voulons, nous pouvons raser Syrte. Nous avons assez de munitions et d'obus pour combattre pendant 10 ans», a-t-il assuré.

Mais lui aussi reconnaît la présence de tireurs embusqués, qui visent même les habitants cherchant à quitter la ville. Selon un responsable du CNT, un millier de civils ont cependant encore réussi à fuir vendredi par l'ouest de la ville.

À Benghazi, un responsable du Croissant-Rouge a annoncé qu'à la date de mercredi, plus de 18 000 personnes avaient fuit Syrte et plus de 25 000 autres avaient quitté Bani Walid. L'exode s'est poursuivi, même si la situation restait «sous contrôle» pour ces réfugiés, a-t-il assuré.

À Bani Walid, important bastion pro-Kadhafi dans le désert à 170 km au sud-est de Tripoli, les pro-CNT n'ont pas avancé non plus. Stationnés depuis près de trois semaines aux abords de cette vaste oasis au relief accidenté, les combattants dénoncent le manque d'encadrement alors que, selon des sources médicales, 40 de leurs camarades sont morts depuis le début de l'offensive.

Vendredi, des pro-Kadhafi ont attaqué des positions pro-CNT à l'ouest de la ville, selon un journaliste de l'AFP, qui a entendu des salves nourries de roquettes et d'artillerie en plus des échanges de tirs qui se déroulent en général au sud de l'oasis.

«L'attaque d'aujourd'hui est la plus intense depuis que nous sommes arrivés ici», a déclaré Abdelbaset Tarhaouni, un commandant pro-CNT à un journaliste de l'AFP, qui a vu un mort et six blessés parmi les combattants du nouveau régime.

Comme chaque jour depuis plus d'un mois, les deux fronts ont reçu l'appui de l'Otan, dont les avions ont été entendus pendant la journée.

Jeudi soir, le numéro 2 du CNT, Mahmoud Jibril, a annoncé que les combattants au front et dans les villes libérées allaient toucher entre 450 et 500 dinars (environ 350 dollars) par mois et que les familles des combattants tués recevraient une pension de 400 dinars par mois. De plus, au moins 250 blessés vont être soignés en Italie, en France et en Allemagne.

À Tripoli, le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, est venu s'assurer de la pérennité des liens diplomatiques et économiques entre l'Italie et son ancienne colonie.

Il a annoncé que Rome allait bientôt mettre à la disposition du CNT 2,5 milliards d'euros d'avoirs libyens gelés. Il a aussi estimé que le gazoduc Greenstream, qui relie la Libye à l'Italie, pourrait rouvrir fin octobre.

Et, signe d'une reprise des liens entre les deux pays, la compagnie aérienne Alitalia a annoncé la reprise le 2 novembre de ses vols réguliers vers la Libye, avec cinq allers-retours par semaines entre les deux capitales.

À Misrata (200 km à l'est de Tripoli), désormais base arrière des combattants du front ouest de Syrte, le Conseil militaire du CNT a démenti l'arrestation de Moussa Ibrahim, ancien porte-parole du régime du colonel Mouammar Kadhafi.

Des commandants pro-CNT, citant des combattants à Syrte, avaient annoncé jeudi l'arrestation de M. Ibrahim alors qu'il tentait de fuir la ville. Mais selon le Conseil militaire de Misrata, seuls des membres de sa famille ont été arrêtés.

Comme Mouammar Kadhafi, Moussa Ibrahim est en fuite depuis la prise par les pro-CNT le 23 août du QG de l'ancien «Guide» libyen dans le quartier de Bab al-Aziziya à Tripoli. Il s'est exprimé depuis à plusieurs reprises pour appeler à la résistance.