Deux attentats suicide ont frappé mercredi Damas en moins de deux heures, tuant au moins 32 personnes le jour du sixième anniversaire du début de la guerre en Syrie.

Le terrible bilan humain de ce conflit, considéré comme le plus meurtrier depuis le début du XXIe siècle, s'est aussi alourdi avec la mort de 25 personnes, dont 14 enfants, dans des raids aériens sur la ville d'Idleb, en territoire rebelle et djihadiste.

Les attentats à Damas, jusqu'à présent relativement épargnée par les violences, surviennent cinq jours après la double attaque qui y a fait 74 morts et a été revendiquée par l'ex-branche d'Al-Qaïda en Syrie.

Vers 13h10 locales, un kamikaze s'est fait exploser dans un bâtiment abritant deux tribunaux près de l'entrée du fameux souk, au coeur de la capitale, tuant au moins 32 personnes et en blessant une centaine, a indiqué une source policière à l'AFP.

«J'ai entendu du bruit, j'ai regardé à ma gauche et j'ai vu un homme vêtu d'une vareuse militaire», a raconté à la télévision d'État un homme portant un patch à son oeil blessé. «A ce moment, il a levé les bras vers le ciel et crié: «Allah Akbar» (Dieu est le plus grand), puis l'explosion s'est produite», a ajouté ce témoin qui se trouvait dans le bâtiment pour des formalités. «Je suis tombé par terre et j'ai senti le sang s'écouler de mon oeil».

Attaque dans un restaurant 

Moins de deux heures plus tard, dans le quartier de Raboué de l'ouest de Damas, un autre kamikaze «a déclenché sa ceinture explosive à l'intérieur d'un restaurant après avoir été pourchassé et cerné» par les services de sécurité, selon l'agence officielle Sana. La source policière a fait état de 25 blessés.

Les correspondants de l'AFP ont constaté que les rues de la capitale avaient été désertées après le deuxième attentat alors qu'il s'agissait de l'heure de pointe.

Le double attentat n'avait pas été revendiqué mercredi soir mais, fait rare, le puissant groupe rebelle islamiste Ahrar al-Cham a publié un communiqué «condamnant dans les termes les plus forts les attentats terroristes criminels».

Dans la ville d'Idleb, un homme, 13 membres de sa famille ainsi que la famille de son frère - au total 25 civils - ont péri à l'aube dans des raids «vraisemblablement russes».

Et dans l'est de la province d'Alep (nord), un caméraman a été tué lorsque son équipe a été la cible d'une attaque «terroriste de Daech» (un acronyme en arabe du groupe État islamique), selon la télévision d'État syrienne.

Les six années de guerre ont fait plus de 320 000 morts, plus de 11 millions de déplacés et de réfugiés - soit la moitié de la population d'avant-guerre - et laissé en ruines l'infrastructure du pays.

Ce sombre anniversaire a coïncidé avec un troisième cycle de pourparlers de paix sur la Syrie au Kazakhstan mais qui, boycotté par les rebelles, s'est terminé mercredi sans avancées concrètes.

«Pire» conflit 

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a qualifié le conflit d'un «des pires de notre époque». «La paix en Syrie est un impératif moral et politique, tant pour le peuple syrien que pour le monde».

L'étincelle de cette guerre complexe avait été allumée le 15 mars 2011 par des manifestations pacifiques après l'arrestation et la torture d'élèves soupçonnés d'avoir écrit des slogans antirégime sur les murs à Deraa (sud).

Durement réprimées, elles ont dégénéré en une rébellion armée puis en une guerre civile impliquant une myriade de forces locales et étrangères.

«Mes plus beaux souvenirs de la révolution, c'est lorsque ma ville a été libérée de l'oppresseur Bachar al-Assad», affirme à l'AFP Abdallah al-Hussein, 32 ans, un joueur de foot de la ville de Saraqeb.

La communauté internationale a été divisée pendant des années entre un bloc pro-régime mené par la Russie et l'Iran d'une part et un camp pro-opposition mené par les États-Unis, de nombreux pays européens ainsi que la Turquie et les pays du Golfe.

Mais contrairement aux attentes du deuxième bloc, le régime d'Assad a renversé la donne avec l'appui indéfectible et militaire de Moscou, entrée en action en septembre 2015.

En face, la rébellion a été minée par des dissensions internes et éclipsée par la montée de groupes djihadistes brutaux comme l'EI.

Dans le même temps, l'opposition politique ne peut plus trop compter sur le soutien turc, après le rapprochement fin 2016 entre Moscou et Ankara, ni sur les Américains, l'administration de Donald Trump se désintéressant des dernières négociations. Washington s'implique toutefois sur le terrain contre l'EI et envisage de déployer jusqu'à un millier de soldats supplémentaires pour l'offensive sur Raqa, le principal fief djihadiste en Syrie.

«À moins d'une solution politique globale et inclusive, la Syrie pourrait continuer à être le théâtre d'un conflit purulent durant des années», prévient Karim Bitar, chercheur à l'Iris à Paris.