La Russie a annoncé un accord surprise de « coordination » militaire dans le ciel de la Syrie en guerre avec la Jordanie, traditionnel allié de Washington, à l'issue d'une réunion exceptionnelle avec le trio États-Unis - Arabie saoudite - Turquie.

Les diplomaties des quatre pays étaient réunies vendredi à Vienne pour tenter de trouver - en vain pour l'instant - une issue politique au conflit syrien, qui a fait plus de 250 000 morts depuis 2011.

Cette réunion quadripartite, une première diplomatique, pourrait être suivie d'un autre rendez-vous vendredi prochain, impliquant davantage de participants, ont annoncé le secrétaire d'État américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov.

La Russie, soutien clé du régime syrien depuis 2011, était certes en minorité face aux diplomaties américaine, turque et saoudienne, farouches adversaires de Damas, mais Moscou a créé la surprise en annonçant une nouvelle alliance : une « coordination » de ses opérations militaires dans le ciel syrien avec la Jordanie, membre de la coalition menée par les États-Unis contre l'organisation jihadiste État islamique (EI).

Si les contours de cette coopération n'ont pas été précisés, un « mécanisme » permettant sa mise en oeuvre est en place à Amman, selon la Russie et la Jordanie.

Amman a précisé dans un communiqué que « la coopération entre la Jordanie et la Russie est ancienne » et que la « Jordanie est toujours membre de la coalition internationale contre le terrorisme » menée par les États-Unis.

M. Kerry a quitté Vienne en fin de journée pour se rendre en Jordanie, un déplacement programmé avant cette annonce, où il doit rencontrer le président palestinien Mahmoud Abbas, dans un contexte de violences persistantes entre Israéliens et Palestiniens faisant craindre un embrasement généralisé.

Moscou et Washington, après cette première réunion inédite, veulent élargir à de nouveaux acteurs l'effort diplomatique international en vue d'un règlement du conflit mais avec des objectifs divergents sur le sort du régime de Bachar al-Assad.

M. Kerry voudrait « dès vendredi prochain tenir une réunion plus large », avec la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie et le Qatar. Sergueï Lavrov a jugé que « le quartette (...) doit être élargi », insistant sur la nécessité d'impliquer l'Iran, l'Égypte, le Qatar, les Émirats Arabes Unis et la Jordanie.

S'agissant d'une intégration de Téhéran, autre fidèle allié du régime de Damas, « nous n'en sommes pas là », a répliqué John Kerry.

Le sort du président syrien Bachar al-Assad continue de diviser Washington et Moscou : « la plupart des pays d'Europe, des dizaines de pays (...) comprennent que Bachar al-Assad crée une dynamique rendant la paix impossible. Qu'on ne peut rien faire (...) s'il reste en place », a déclaré M. Kerry.

Le chef de la diplomatie russe s'est déclaré en faveur de pourparlers sur un règlement « politique » du conflit incluant le gouvernement Assad et « le spectre complet » de l'opposition syrienne.

Coupure d'une route vitale vers Alep

Moscou reproche régulièrement aux États-Unis de vouloir se « débarrasser » du dirigeant syrien.

Après avoir longtemps exigé le départ immédiat de Bachar al-Assad comme préalable à un processus politique, Washington a admis ces derniers mois que le calendrier était négociable, mais sans céder sur l'objectif.

Signe de l'internationalisation des efforts de règlement du conflit syrien, la réunion avait pour but « de trouver de nouvelles idées pour sortir de l'impasse », selon le chef de la diplomatie américaine, reconnaissant que les participants avaient conscience que ce serait « difficile ».

Les Américains et leurs alliés pilotent une coalition internationale contre l'EI et soutiennent certains rebelles syriens ennemis du régime. En face, la Russie a lancé il y a trois semaines une campagne de bombardements aériens en Syrie. Une intervention contre le « terrorisme », affirme Moscou. Des raids destinés à sauver le chef de l'État syrien, accusent Washington et ses partenaires.

Les raids aériens russes ont fait près de 450 morts depuis le 30 septembre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

L'EI a coupé vendredi une route vitale pour le régime entre Homs et Alep, près de Khanasser, et contrôle une portion d'au moins 6 km de cette artère, selon l'OSDH. Le régime syrien a ainsi perdu sa dernière route d'approvisionnement vers les quartiers qu'il contrôle à Alep, capitale économique de la Syrie.