Le régime syrien a de nouveau bombardé lundi la ville rebelle de Homs, ignorant l'appel de la Ligue arabe à une force de paix commune avec l'ONU, une idée qui divise les Européens et à laquelle la Russie, alliée de Damas, pose des conditions.

De son côté, l'ONU a affirmé que les forces syriennes avaient «vraisemblablement» commis des crimes contre l'humanité en réprimant depuis onze mois la contestation populaire hostile au régime, au prix de plus de 6000 morts, selon des militants.

Déjà profondément divisée sur la crise syrienne, la communauté internationale semble l'être encore plus sur la proposition d'une force de paix avancée par la Ligue arabe: Paris a mis en garde contre toute action «à caractère militaire» et Moscou a exigé un cessez-le-feu en préalable.

Sourd aux appels à cesser la répression, le régime a poursuivi lundi le pilonnage de Homs (centre), désormais touchée par une crise humanitaire, les militants dénonçant une pénurie de pain.

Le Croissant-Rouge syrien a affirmé distribuer déjà de l'aide médicale et alimentaire à des milliers de gens dans la «capitale de la révolution», où, selon un décompte de l'ONU, plus de 300 personnes ont péri depuis le 4 février dans une «attaque sans discernement contre des zones civiles».

La Haut commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Navi Pillay a déclaré lundi devant l'Assemblée générale de l'ONU que «la nature et l'étendue des exactions perpétrées par les forces syriennes indiquent que des crimes contre l'humanité ont vraisemblablement été commis» depuis mars 2011.

Mais les violences, qui ont encore fait 11 morts lundi, en majorité des civils, ne découragent pas les manifestants à travers le pays.

«La révolution continuera tant qu'il y aura un nourrisson vivant parmi nous», pouvait-on lire sur une pancarte lors d'une manifestation dans la province de Deraa (sud), berceau de la contestation, d'après une vidéo diffusée par les militants.

«Bachar, on a encore des comptes à régler, ton dernier jour est arrivé», scandaient de leur côté des dizaines de personnes dans la province d'Idleb (nord-ouest).

Face à cette crise, la Ligue arabe, qui avait déjà tenté de faire passer à l'ONU une résolution condamnant la répression -bloquée par Pékin et Moscou- a décidé de demander au Conseil de sécurité la formation d'une force conjointe et de fournir un soutien politique et matériel à l'opposition.

Burhan Ghalioun, chef du Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a déclaré sur Al-Jazira voir dans ces décisions «les premiers pas» vers la chute du régime.

Lundi, Damas a toutefois répondu qu'elles n'empêcheraient pas le gouvernement «d'assumer ses responsabilités» dans «le rétablissement de la sécurité et de la stabilité», a rapporté l'agence officielle Sana, laissant entendre que l'offensive allait se poursuivre dans les villes «rebelles».

«Les Arabes n'ont rien apporté de nouveau, à part leur appel à l'occupation de la Syrie par des troupes étrangères», note encore le journal al-Watan, proche du pouvoir.

L'idée d'une mission de paix ne fait toutefois pas l'unanimité: soutenue par l'Union européenne, Londres veut en «discuter de manière urgente» avec la Ligue et ses partenaires internationaux, mais la France a lancé une mise en garde.

«Nous pensons qu'aujourd'hui toute intervention à caractère militaire extérieure ne ferait qu'aggraver la situation, d'autant qu'il n'y aura pas de décision du Conseil de sécurité, qui est la seule instance à même d'autoriser une intervention militaire», a affirmé le chef de la diplomatie française Alain Juppé.

Moscou a dit étudier la proposition, tout en jugeant qu'un cessez-le-feu était nécessaire au préalable. Pékin s'est gardé de se prononcer sur cette mission.

Le secrétaire général de Ligue arabe Nabil al-Arabi doit rencontrer mardi en Allemagne la chancelière Angela Merkel «pour échanger les points de vue (...) notamment sur la Palestine et la Syrie», selon un communiqué de son bureau.

Mais d'après les analystes, la proposition arabe est promise à l'échec. «Je crains qu'il ne soit très difficile de trouver des États membres prêts à envoyer des troupes pour une opération de ce type», a affirmé à l'AFP Salman Shaikh, directeur du centre Brookings de Doha.

Arabes et Occidentaux doivent par ailleurs lancer cette semaine une nouvelle tentative pour faire condamner Damas, cette fois à l'Assemblée générale de l'ONU -un organe consultatif où le veto n'existe pas.

Moscou et Pékin devraient une fois encore s'opposer à ce projet, préparé par l'Arabie saoudite et le Qatar, très similaire au texte bloqué par leur double veto le 4 février.

Par ailleurs, la Commission générale de la révolution syrienne, l'une des composantes de l'opposition, a «catégoriquement rejeté» le soutien du chef d'Al-Qaïda à leur révolte, qu'ils ont qualifié «d'ingérence».