La justice de Bahreïn a ordonné lundi un nouveau procès dans l'affaire d'opposants, dont le chiite Abdel Hadi al-Khawaja, condamné à perpétuité et en grève de la faim, une décision accueillie avec scepticisme par les avocats de la défense.

«La Cour de cassation a accepté les recours et ordonné un procès devant la cour d'appel», a déclaré à l'AFP Mohamed al-Jichy, avocat de M. Khawaja, à l'issue d'une brève audience de la haute juridiction.

«On espérait une annulation pure et simple du verdict, mais il s'agit d'une décision qui va nous donner l'occasion de défendre nos clients», a-t-il dit.

Selon un autre avocat, Mohamed al-Tajer, M. Khawaja et les autres opposants resteront en prison jusqu'au nouveau procès dont la date doit être fixée par le Conseil suprême de la magistrature.

Le procureur général a confirmé, dans un communiqué, que les opposants resteront en prison et indiqué que la loi interdit à la cour d'appel d'aggraver les peines, mais lui permet de les diminuer jusqu'à l'acquittement.

Me Tajer a estimé toutefois que la décision de la Cour de cassation n'était pas de nature à pousser M. Khawaja à cesser sa grève de la faim. «Cela ne change rien à la situation» de M. Khawaja qui a annoncé son intention de poursuivre son mouvement jusqu'à «la mort ou la liberté», a-t-il affirmé.

La Cour de cassation a statué sur la condamnation pour complot contre la dynastie sunnite de 14 opposants, en grande majorité des chiites, dont M. Khawaja, en grève de la faim depuis le 8 février.

Ces opposants font partie d'un groupe de 21 personnes, dont 7 jugées par contumace. Sept ont été condamnées à la perpétuité et les autres à des peines allant de deux à 15 ans de prison.

Ils ont été reconnus coupables d'avoir «formé un groupe terroriste visant à changer la Constitution et le régime monarchique», d'avoir été «en contact avec un groupe terroriste à l'étranger agissant dans l'intérêt d'un pays étranger en menant des actes hostiles contre le Royaume de Bahreïn» et d'avoir «collecté des fonds pour ce groupe».

Les opposants ont été jugés par un tribunal d'exception sous l'état d'urgence proclamé de mars à juin 2011 dans la foulée de la répression d'un mois de protestations populaires, animées par des chiites, majoritaires dans la population de ce royaume dirigé par une dynastie sunnite.

Avant l'audience de lundi, des dizaines d'opposants chiites se sont rassemblés devant le siège de la Cour de cassation, brandissant des portraits des condamnés et des pancartes dénonçant «un procès politique».

Les manifestants ont été gardés à distance par un cordon des forces de sécurité et aucun incident n'a été signalé, ont rapporté des témoins.

Les villages chiites autour de Manama, la capitale, ont également connu une certaine effervescence avec de jeunes manifestants barrant des routes avec des pneus en flammes, selon d'autres témoins.

Le ministère de l'Intérieur a indiqué que des «groupes de saboteurs» ont fermé deux axes routiers qui ont été rouverts à la circulation après une intervention des forces de l'ordre.

Dimanche, l'hôpital militaire de Bahreïn où M. Khawaja est hospitalisé et dont l'état de santé suscite des inquiétudes a indiqué qu'il n'était pas nourri de force comme l'a suggéré sa famille.

«En réponse aux affirmations faites par des membres de la famille d'Abdel Hadi al-Khawaja, nous tenons à préciser que le patient n'a pas été forcé à s'alimenter», a précisé l'hôpital dans un communiqué.

«Il prend volontairement des compléments alimentaires, mais quand son taux de sucre a baissé de manière significative aujourd'hui, les médecins ont obtenu son accord pour l'alimenter par un tube nasal», a ajouté l'établissement.

Tous les appels d'organisations de défense des droits de l'homme pour libérer cet opposant, également détenteur de la nationalité danoise, sont restés sans réponse.